Le Parlement européen,

- vu ses résolutions antérieures sur la Russie et l'Ukraine, notamment ses résolutions du 13 mars 2014 sur l'invasion de l'Ukraine par la Russie(1), du 17 juillet 2014 sur l'Ukraine(2), du 11 juin 2015 sur la situation militaro-stratégique dans le bassin de la mer Noire à la suite de l'annexion illégale de la Crimée par la Russie(3), du 16 mars 2017 sur les prisonniers politiques ukrainiens en Russie et la situation en Crimée(4), du 5 octobre 2017 sur les cas des dirigeants tatars de Crimée Akhtem Chiygoz et Ilmi Umerov ainsi que du journaliste Mykola Semena(5), et du 14 juin 2018 sur la Russie, notamment sur le cas du prisonnier politique ukrainien Oleg Sentsov(6),

- vu l'accord d'association entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et l'Ukraine, d'autre part(7),

- vu l'accord entre la Fédération de Russie et l'Ukraine sur la coopération relative à l'utilisation de la mer d'Azov et du détroit de Kertch de 2003, le mémorandum de Budapest concernant les garanties de sécurité du 5 décembre 1994 et le train de mesures pour la mise en œuvre des accords de Minsk du 12 février 2015,

- vu les mesures restrictives imposées à la Fédération de Russie en réponse à l'annexion illégale de la Crimée et à la déstabilisation délibérée de l'Ukraine, y compris les restrictions en matière de relations économiques avec la Crimée et Sébastopol,

- vu la convention des Nations unies sur le droit de la mer, le traité sur la non‑prolifération des armes nucléaires, la charte des Nations unies et les projets d'articles sur la responsabilité de l'État pour fait internationalement illicite de 2001,

- vu l'article 123, paragraphe 2, de son règlement intérieur,

A. considérant que, avant l'occupation de la Crimée par la Russie en 2014, la mer d'Azov était une zone largement démilitarisée, à laquelle avaient accès tant les navires ukrainiens que les navires russes, en vertu d'un accord entre les deux pays, qui donnait aussi bien à la Russie qu'à l'Ukraine le droit de contrôler les navires suspects;

B. considérant que l'occupation de la Crimée et la construction du pont du détroit de Kertch ont augmenté l'importance stratégique de la mer d'Azov, conduit à la militarisation de la région du fait du déploiement des forces navales russes et qu'elles entravent considérablement l'accès des navires à un certain nombre de ports ukrainiens, notamment Marioupol et Berdiansk;

C. considérant que l'emprise de la Russie sur le détroit de Kertch a des répercussions sur le conflit global dans la partie orientale de l'Ukraine et constitue une nouvelle menace pour la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine;

D. considérant que la construction du pont du détroit de Kertch, reliant la Russie à la péninsule de Crimée, constitue une violation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine par la Fédération de Russie;

E. considérant que, en juillet 2018, l'Union a ajouté les noms de six entités russes sur la liste des sanctions de l'Union, en raison de leur participation illégale à la construction du pont du détroit de Kertch; considérant que, en vertu des mesures restrictives de l'Union en vigueur contre la Fédération de Russie et la péninsule de Crimée, occupée illégalement, les entreprises européennes n'ont pas le droit de participer ou de contribuer à des projets d'infrastructure tels que la construction du pont du détroit de Kertch; considérant qu'il a été constaté que plusieurs entreprises européennes ont fourni des équipements et du matériel qui ont été utilisés pour sa construction;

F. considérant que la Russie immobilise et inspecte fréquemment et de manière abusive les navires passant par le détroit de Kertch en provenance et à destination de ports ukrainiens;

G. considérant que tant la convention des Nations unies sur le droit de la mer que l'accord sur la mer d'Azov de 2003 consacrent la liberté de navigation;

1. condamne la Fédération de Russie pour violation de la souveraineté de l'Ukraine par la construction illégale du pont du détroit de Kertch, la militarisation croissante de la péninsule de Crimée et de la mer d'Azov, ainsi que les immobilisations illégales et abusives et les inspections illicites des navires commerciaux qui traversent le détroit de Kertch ou la mer d'Azov, y compris des navires ukrainiens et de ceux sous pavillons tiers, ainsi que, jusqu'à présent, de plus de 120 navires battant pavillon de différents États membres de l'Union, ce qui retarde la navigation dans la mer d'Azov;

2. réaffirme son soutien à l'indépendance et à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, confirme une nouvelle fois la souveraineté de l'Ukraine eu égard à la péninsule de Crimée et à la mer d'Azov, et souligne qu'il ait absolument nécessaire que l'Ukraine ait pleinement accès à la mer d'Azov, comme inscrit dans la Convention des Nations unies sur le droit de la mer;

3. considère que ces inspections abusives et de longue durée par la Russie constituent des restrictions à la liberté de navigation et des obstacles au commerce et au trafic dans la région, imposant des coûts considérables pour tous les navires en attente en provenance ou à destination de ports ukrainiens; fait observer que ces inspections ont des incidences négatives importantes sur la charge de travail et la viabilité économique des ports ukrainiens concernés; fait observer que les navires se dirigeant vers les ports russes de la mer d'Azov ne sont pas soumis à ces inspections discriminatoires;

4. est profondément préoccupé par l'augmentation des tensions dans la région et par l'ajout d'une dimension maritime au conflit; exprime son inquiétude également face à la présence militaire maritime accrue de la Russie par le renforcement de la flotte russe en mer Noire et de leurs garde-côtes dans la mer d'Azov;

5. relève que, en tant que contre-mesure, le 17 septembre 2018, l'Ukraine a décidé d'abroger le «traité d'amitié» général qu'elle avait signé avec la Russie en 1997 et a annoncé le transfert vers la mer d'Azov de forces supplémentaires du corps d'infanterie de marine et des unités d'artillerie côtière; soutient l'Ukraine dans ses efforts pour continuer à utiliser des moyens diplomatiques et juridiques dans sa réaction aux actions russes, y compris la procédure d'arbitrage en cours en vertu de la convention des Nations unies sur le droit de la mer;

6. demande à la vice-présidente/haute représentante de prendre les mesures nécessaires pour proposer que le mandat de la mission spéciale d'observation de l'OSCE en Ukraine, qui couvre l'ensemble du territoire ukrainien, y compris le territoire maritime, soit activé afin de surveiller la situation dans la mer d'Azov;

7. souligne que le pont du détroit de Kertch a été construit illégalement et se félicite de la décision du Conseil d'imposer des mesures restrictives à six entreprises ayant participé à la construction du pont; souligne que d'autres entités et personnes peuvent être ajoutées si nécessaire;

8. exprime une nouvelle fois ses préoccupations concernant la participation d'entreprises européennes à la construction du pont du détroit de Kertch, lesquelles, par cette participation, sciemment ou non, ont porté atteinte au régime de sanctions de l'Union; demande à cet égard à la Commission d'apporter des clarifications sur le champ d'application des mesures restrictives de l'Union en vigueur et aux États membres de partager les informations relatives aux enquêtes douanières ou pénales nationales portant sur des infractions potentielles; demande également la création d'un tribunal indépendant chargé spécifiquement des sanctions de l'Union pour décider si des entreprises ou des pays de l'Union ont enfreint les mesures restrictives de l'Union;

9. demande à la vice-présidente/haute représentante de suivre de plus près l'évolution de la situation en matière de sécurité dans la mer d'Azov, laquelle peut avoir des incidences plus vastes sur la politique de sécurité de l'Union et de ses États membres; demande par ailleurs à la vice-présidente/haute représentante de suivre de près les évolutions à cet égard, d'identifier la chaîne de commandement et de préparer d'éventuelles mesures restrictives à l'échelle de l'Union en cas d'aggravation de la situation;

10. demande à la Commission et au Service européen pour l'action extérieure (SEAE) d'étudier les moyens éventuels de soutenir les transporteurs et les ports touchés, en particulier en renforçant l'engagement de l'Union dans les ports touchés de Marioupol et Berdiansk, grâce à de nouveaux projets de développement et d'investissement;

11. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au président, au gouvernement et au parlement ukrainiens, au président, au gouvernement et au parlement de la Fédération de Russie ainsi qu'aux États membres.

(1)

JO C 378 du 9.11.2017, p. 213.

(2)

JO C 224 du 21.6.2016, p. 14.

(3)

JO C 407 du 4.11.2016, p. 74.

(4)

JO C 263 du 25.7.2018, p. 109.

(5)

JO C 346 du 27.9.2018, p. 86.

(6)

Textes adoptés de cette date, P8_TA(2018)0259.

(7)

JO L 161 du 29.5.2014, p. 3.

La Sté Parlement Européen a publié ce contenu, le 24 octobre 2018, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
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