Un comité de "sages" lui a entrouvert la porte lundi en proposant de réformer les statuts de l'organisation patronale française pour autoriser son président sortant à se représenter autant de fois qu'il l'entend pour cinq ans.

Les statuts actuels prévoient cinq ans renouvelables une fois pour trois ans. Laurence Parisot ayant été élue en 2005 et reconduite en 2010, son mandat s'arrête en principe en juillet.

"Si in fine j'avais la possibilité de pouvoir présenter un projet pour les entrepreneurs, je serais heureuse de le faire", a-t-elle déclaré lors de sa conférence de presse mensuelle.

Elle a fait valoir que des "différences stratégiques significatives" la distinguaient de ses rivaux, notamment en matière de dialogue social.

"Je considère que le paritarisme est la clef et doit avoir un rôle essentiel dans l'évolution et la transformation de la société", a expliqué Laurence Parisot, qui cite en exemple l'accord du 11 janvier sur la sécurisation de l'emploi.

Elle dénonce en revanche une "vision beaucoup plus conflictuelle, beaucoup plus agressive" chez ses rivaux - des visions divergentes qui paraissent également recouvrir un clivage traditionnel entre services et industrie.

"Il me semble qu'il y a un désaccord assez grand avec, notamment, un des principaux soutiens de l'un des candidats actuels", souligne-t-elle, en faisant allusion au patron du groupe Scor, Denis Kessler, partisan de Pierre Gattaz.

Le président du Groupe des fédérations industrielles (GFI) dit pour sa part vouloir "apporter un sens de la pédagogie et de l'économie de la compétitivité" à la direction du Medef.

La "patronne des patrons" estime sans surprise que la proposition du Comité statutaire du Medef, dont elle avait sollicité l'avis, va dans le sens d'une amélioration de la démocratie et de la transparence au sein de l'organisation.

OBSTACLES ET COUPS BAS

Cette réforme doit cependant franchir deux obstacles d'ici l'été pour que Laurence Parisot puisse en bénéficier : un vote à la majorité simple par les 45 membres du Conseil exécutif du Medef le 28 mars et, si ce premier cap est surmonté, un vote à la majorité des deux tiers en assemblée générale extraordinaire.

Des adversaires de la présidente du Medef réclament un vote à bulletins secrets au Conseil exécutif.

"Ce qui veut dire que, finalement, ils n'ont pas beaucoup le courage de leurs opinions", a commenté Laurence Parisot sur Europe 1. Elle admet cependant que la tendance est plutôt aujourd'hui au vote secret. Le Comité statutaire devrait trancher.

Les adversaires de Laurence Parisot dénoncent par avance un changement de convenance des statuts.

"Je reste contre le fait qu'on puisse modifier les statuts à trois mois, quatre mois d'une élection", a dit sur France 2 Pierre Gattaz. "Le changement des statuts est typiquement pour que Laurence Parisot puisse rester à son poste, ce n'est pas très exemplaire, ce n'est pas très démocratique."

Un autre candidat, Thibault Lanxade, PDG d'Aqoba, a pour sa part estimé que l'avis du Comité statutaire allait "à contresens de l'histoire et des attentes de la base du Medef".

"Tous les mouvements politiques et syndicaux limitent le nombre de mandats. Nous ferions l'inverse", a-t-il déclaré dans un communiqué. "Les entrepreneurs attendent des idées, du débat de fond (...) Cet avis va conduire à enterrer ce débat."

Signe que la campagne fait déjà rage, il conclut par une attaque en règle contre "l'aventurière" Laurence Parisot : "L'aventure personnelle est 'audacieuse' (...) surtout lorsque c'est l'organisation qui en paie le prix et non l'aventurière en question. Arrêtons les frais."

Laurence Parisot dénonce pour sa part les "coups bas" et les propos "ignominieux" dont elle s'estime la cible.

"Il y a des gens qui m'ont comparée à Hitler (...) Ces gens-là ne l'ont jamais fait à visage découvert", dit la présidente du Medef, qui qualifie de "lamentable" l'accusation de "putsch" proférée à son encontre par certains de ses adversaires.

"Il est évident que certains craignent la confrontation électorale", accuse-t-elle. "Je n'en ai pas peur, alors que c'est moi qui prend le risque (...) Je l'ai dit à Pierre Gattaz. Je lui ai dit : 'Mais Pierre, tu peux peut-être gagner, tu peux me défaire, ça sera même plus intéressant !'"

Avec Chine Labbé, édité par Patrick Vignal

par Emmanuel Jarry