Une des 15 mesures de la loi Industrie Verte

Adoptée ce 11 octobre, la loi “Industrie verte a pour objectif affiché de faire de la France le “leader de l’industrie verte en Europe”. Vous ne voyez pas ce qu’est l’industrie verte ? C’est le rêve de combiner préservation du climat et économie florissante : maintenir l’industrie existante, en la décarbonant et en l’aidant à réaliser sa transition climatique, tout en développant une industrie nouvelle participant activement à la transition (batteries, voitures électriques, éoliennes, etc.). 
Mais développer une industrie verte, c’est pour les nuls, les bas de plafonds. Nous les Français, on ambitionne d’être les leaders de l’industrie verte en Europe. Gare à vous les Hollandais avec vos vélos et vos éoliennes, on arrive.
Mais alors, comment compte-t-on devenir les champions de l’industrie verte ? Grâce à 15 mesures présentées au printemps, formulées autour de 4 axes :

  • faciliter l’implantation des industries vertes, par exemple en simplifiant et accélérant les procédures ;
  • favoriser les entreprises vertueuses, notamment par le biais des commandes et aides publiques ;
  • former les jeunes aux métiers de l’industrie verte ;
  • et financer les projets verts.

C’est dans le cadre de ce dernier pilier qu’intervient le PEAC : la transition écologique coûte cher et le gouvernement compte bien mobiliser l’épargne privée, en plus des fonds publics, pour la financer

Les 15 mesures de la loi Industrie verte, publiées par Bruno Le Maire sur son compte X (anciennement Twitter)

Fonctionnement du PEAC 

Ouverture et taux de rémunération 

Le Plan d’Epargne Avenir Climat est ainsi un support destiné à orienter l’épargne des jeunes vers “le financement de l’économie productive et de la transition écologique. En réalité, “épargne” et “jeune” étant plutôt antinomiques (vous vous souvenez de l’ampleur de vos finances à 20 ans ?), il s’agit d’orienter l’épargne des parents vers la transition écologique. Le PEAC permettrait ainsi tout à la fois de constituer un pécule pour ses enfants, tout en "finançant le monde décarboné que nous devons [leur] laisser. Cœur avec les doigts. Ok, trêve de cynisme, je vous explique comment ça va fonctionner. 

Astuce : si vous n'avez pas envie de lire, un schéma récapitulatif vous attend à la fin de cet article


Dans la mesure où il est destiné aux jeunes, le PEAC pourra être ouvert par les parents dès la naissance de leur enfant. Comme un Livret A, dont il devrait d’ailleurs partager le plafond, même si rien n’est encore définitif. A l’inverse d’un Livret A en revanche, aucun retrait ne pourra être réalisé avant les 18 ans du titulaire et le taux de rémunération ne sera pas fixé par l’Etat, ni même garanti, puisqu’il dépendra directement des investissements réalisés. Même si le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, estime qu’il sera sans doute” plus attractif que celui du Livret A. Mais ce n’est pas le titulaire du plan qui décidera des investissements réalisés, contrairement à ce qui a cours avec un PEA par exemple. Les fonds des PEAC seront en effet investis dans des titres financiers français ou européens “qui contribuent au financement de la transition écologique”. Plus concrètement, il s’agit de financer les énergies renouvelables, la décarbonation de l’industrie et les entreprises innovantes. A noter que c’est la Caisse des Dépôts et des Consignations qui devrait accorder le label permettant de déterminer l’éligibilité dans les PEAC, ce qui permettra d’éviter les dérives, surtout dans cette dernière catégorie des “entreprises innovantes”.
Un taux non garanti, mais sans avoir la main sur les investissements réalisés… le PEAC semble réunir le pire du PEA et du Livret A ! C’est là que le PEAC affiche sa particularité : la sécurité des placements sera proportionnellement croissante à l’âge du titulaire du plan. Ainsi, plus celui-ci se rapprochera de ses 18 ans, plus les placements seront sécurisés, l’objectif étant de garantir le capital à terme. Il n’y a cependant aucune véritable garantie du capital, le texte ne mentionnant d’ailleurs pas une “garantie mais une “protection suffisante” de l’épargne, permettant une “réduction progressive des risques financiers”. Protection à laquelle le titulaire pourra d’ailleurs renoncer, en optant expressément pour une allocation plus risquée, dans l’espoir, cela va sans dire, d’un gain supérieur. Pour ce qui est du monde décarboné, je ne sais pas, mais s’agissant du pécule, ça me semble un peu aléatoire… Plus encore, et même si les cas de retrait avant 18 ans sont exceptionnels (invalidité du titulaire ou décès d’un de ses parents), il existe donc un vrai risque de perte en capital avant 18 ans. 

Approvisionnement, retraits et clôture

Côté approvisionnements, aucune limite ni contrainte, si ce n’est le plafond qui sera fixé ultérieurement par arrêté du Ministre de l’Economie. Sauf surprise, le plafond du PEAC devrait être calqué sur celui du Livret A, à savoir 22 950€. Il est donc possible d’approvisionner le PEAC dès son ouverture ou ultérieurement, de manière régulière ou non, sans montant minimum de versement. 
A noter que le projet soumis initialement par le gouvernement prévoyait un abondement de l’Etat, d’un montant non défini, pour toute ouverture de PEAC dans l’année de naissance d’un enfant. Celui-ci a cependant été retoqué par les parlementaires pour éviter les effets d’aubaine. La sénatrice Christine Lavarde, à l’initiative de la suppression, a en effet relevé que le dispositif “s’adresse quand même à des foyers qui ont un certain niveau de revenus, puisque les fonds placés sur ce plan sont bloqués (…) jusqu’à la majorité”, de sorte que l’effet incitatif de l’abondement serait limité. Le gouvernement ne s’est finalement pas battu pour rétablir cet abondement, admettant qu’il n’est pas très raisonnable de prévoir un tel dispositif quand les finances publiques ne sont pas à l’équilibre et qu’on cherche à réduire le déficit public.
Côté retraits, le système est en partie calqué sur le PEA, à savoir que tout retrait intervenant dans les 5 premières années entraîne la clôture du plan. Mais avec la différence majeure que, pour le PEAC, cette condition se cumule avec celle de la majorité du titulaire : pour qu’un retrait n’entraîne pas la clôture du plan épargne avenir climat, il faut qu’il intervienne après le 5ème anniversaire du plan ET les 18 ans du titulaire. Et encore, même dans ce cas le retrait n’est pas sans conséquences puisqu’il devient alors impossible d’effectuer de nouveaux versements. 
Dernière particularité, et pas des moindres : le plan est automatiquement clôturé aux 30 ans du titulaire. Là où, en comparaison, le PEA jeunes, qui est réservé aux 18-25 ans, est simplement converti en PEA classique, dont il partage d’ailleurs la fiscalité.

Fiscalité du PEAC

Côté fiscalité, justement, qu’en est-il ? Eh bien sans grande surprise le PLF 2024 prévoit que le gain net généré en cas de retrait ou clôture sera exonéré d’impôt sur le revenu. Pourquoi sans grande surprise ? Parce que le meilleur moyen pour le gouvernement de diriger l’épargne des Français vers un support reste encore l’incitation fiscale ! Cette exonération concerne également les prélèvements sociaux, rapprochant ici le PEAC du Livret A et consorts plus que du PEA. 
A noter que, bien qu’exonérés, ces gains seront pris en compte dans la détermination du revenu fiscal de référence, ou RFR. Calculé par l’administration fiscale à partir du revenu net imposable, réajusté, le RFR sert à déterminer l’éligibilité à certaines aides sociales (par exemple, l’attribution d’un logement social) mais aussi à certains avantages fiscaux (tel que la dispense d’acompte d’impôt lors de la perception de dividendes). C’est aussi le RFR qui sert à déterminer si vous êtes redevable de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), de 3% à partir de 250 000€, puis 4% à partir de 500 000€ pour une personne seule. Dans la mesure où le dispositif s’adresse vraisemblablement davantage aux foyers aisés qu’aux ménages modestes (en raison du blocage des sommes, rappelons-le), cette précision n’est pas inutile. 
Pour finir, notons la contrepartie traditionnelle de cette exonération totale des plus-values : les pertes constatées à la clôture du plan ne seront pas imputables sur les autres plus-values de la même année ou des 10 suivantes. 

Et les frais dans tout ça ? 

La fiscalité et le taux de rémunération, c’est important, mais si on ne regarde pas les frais, on a qu’une vision partielle, et donc faussée, du rendement final d’un placement. Or soyons honnête : sauver la planète, c’est bien beau, mais si les épargnants vont se diriger vers un PEAC plutôt qu’un livret A, un PEA ou une assurance-vie, c’est vraisemblablement pour de basses considérations financières plus que pour de hautes aspirations écologiques. Oups, pardon, je redeviens cynique.
En l’occurrence, les frais constituent la grande inconnue de l’équation. Ils seront toutefois suivis de près, à défaut d’être encadrés, je vous explique.
Au début des débats parlementaires, la sénatrice Christine Lavarde (encore elle) avait déposé un amendement en vue d’un plafonnement des frais du PEAC, invoquant le rapport du CCSF (comité consultatif du secteur financier) sur les PER individuels. En effet, cette instance chargée d’étudier les relations entre les établissements financiers et leur clientèle a constaté, deux ans après le lancement des PER individuels, non seulement un manque de transparence des frais mais surtout leur empilement : frais sur versement, frais de gestion sur le fonds euros, frais de gestion sur les unités de compte, frais d’arbitrage, frais de transfert entrant / sortant… tout ça rien que pour l’assureur ! Frais auxquels il faut encore ajouter ceux de la société de gestion. Ainsi, les titulaires d’un PER investi à 100% en unités de compte s’acquittaient en moyenne en 2021 de près de 3% de frais, rien qu’en frais de gestion cumulés. Hors donc frais d’arbitrage, de transfert, de versement, etc. 
Adopté dans un premier temps contre l’avis du gouvernement, ce plafonnement bienvenu des frais n’a finalement pas été retenu dans la version définitive du texte adopté début octobre.
A la place, il est prévu l’extension des missions du CCSF avec la création d’un observatoire des frais et performances de l’épargne, en parallèle de l’actuel observatoire des tarifs bancaires. Le CCSF assurera ainsi le suivi de l’évolution des frais et de la performance associés aux PEAC ainsi qu’aux contrats d’assurance-vie, PER individuels, PEA et PEA-PME. En droit, le choix des mots n’est jamais anodin : suivi n’est pas encadrement. A l’heure actuelle, les prérogatives du CCSF se limitant à l’émission de propositions et recommandations, on peut légitimement s’interroger sur l’impact réel de cet observatoire sur le niveau futur des frais des supports d’épargne. On a plus qu’à compter sur le bon vouloir des établissements financiers. 
Mais il faut savoir voir en toute chose du bon donc retenons tout de même que, au moins, les frais de transfert d’un PEAC vers un autre (donc d’une personne à une autre, puisque, comme pour le PEA, la règle est 1 personne = 1 plan) sont plafonnés, dans une mesure à déterminer ultérieurement.

En définitive

Le PEAC est une enveloppe d’épargne à la croisée entre le PEA et le Livret A, combinant leurs avantages… et leurs inconvénients. Mais bon, c’est pour sauver la planète ! D’ailleurs le ministre de l’Economie table sur une collecte d’1Md€ par an pour les PEAC, ce qui n’est finalement pas si ambitieux face aux plus de 700 000 naissances par an en France (ça fait moins de 1 500€ par plan, en considérant toutefois que chaque nouveau-né dispose de son PEAC).
Comme un PEA, il pourra être ouvert soit sous la forme d’un compte titres associé à un compte espèces, soit sous la forme d’un contrat de capitalisation. Et comme un PEA il offrira un rendement aléatoire, dépendant des investissements réalisés, n’offrira aucune garantie des fonds, dont la disponibilité sera par ailleurs restreinte. Mais comme un livret A, il pourra être ouvert dès la naissance d’un enfant et ne subira absolument aucune fiscalité en cas de retrait ou de clôture.



On notera pour finir que le PEAC sera une réalité dès la parution du décret d’application prévu par le projet de loi industrie verte et au plus tard le 1er juillet 2024.

Alors, prêts à sauver la planète ?