(Actualisé avec réaction du département d'Etat américain, 4e para)

ISTANBUL, 31 octobre (Reuters) - La police turque a procédé lundi à l'arrestation d'une douzaine de membres du personnel du quotidien d'opposition Cumhuriyet, dont son rédacteur en chef, accusés de crimes commis au nom des séparatistes kurdes et du réseau du prédicateur Fethullah Gülen, qu'Ankara considère comme l'instigateur du coup d'Etat manqué du 15 juillet.

Dans un communiqué, le parquet d'Istanbul précise que l'enquête a été ouverte en août à la suite de la publication d'articles potentiellement de nature à légitimer l'action des putschistes.

Sur son site internet, le quotidien indique que 11 de ses salariés, dont le rédacteur en chef Murat Sabuncu, ont été arrêtés et que cinq autres font l'objet de mandats d'arrêt. Il ajoute que les ordinateurs portables de plusieurs d'entre eux ont été saisis à leur domicile.

A Washington, le département d'Etat américain s'est dit lundi "vivement préoccupé" par l'accentuation de la pression des autorités sur les médias d'opposition en Turquie.

Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées devant les locaux du journal à Istanbul pour exprimer leur soutien à la rédaction. "Le journalisme n'est pas un crime !", ont-ils scandé.

Depuis le coup d'Etat manqué du 15 juillet, 37.000 personnes ont été arrêtées et 100.000 fonctionnaires limogés.

"L'énorme purge en cours semble motivée par des considérations politiques plutôt que légales ou sécuritaires", écrit Martin Schulz, président du Parlement européen, sur Twitter.

Le prédécesseur de Sabuncu à la rédaction en chef du journal, Can Dündar, a été condamné à cinq ans et dix mois de prison pour divulgation de secrets d'Etat pour avoir publié une vidéo montrant, selon le journal, une unité des services de renseignement turcs acheminant des armes par camions vers la Syrie en 2014.

Le journaliste a fui son pays après sa condamnation, dénoncée par des organisations de défense des droits de l'homme. "La Turquie est devenue la plus grande prison de journalistes au monde", a-t-il déclaré la semaine dernière à Strasbourg, où le Parlement européen a dénoncé les atteintes à la liberté de la presse en Turquie et affirmé que la tentative de coup d'Etat ne devait pas servir de prétexte à un recul des droits démocratiques.

(Humeyra Pamuk et Daren Butler; Nicolas Delame, Henri-Pierre André, Jean-Philippe Lefief et Eric Faye pour le service français)