(Actualisé, début de la conférence, précisions, §§ 1, 12, 13)

par Louis Charbonneau

NATIONS UNIES, 18 mars (Reuters) - Les négociateurs d'environ 150 pays se sont retrouvés lundi à New York pour tenter de mettre la dernière main, d'ici au 28 mars, à un traité international sur le commerce des armes conventionnelles.

L'Assemblée générale des Nations unies avait décidé par un vote en décembre de relancer à la mi-mars les négociations sur ce qui est appelé à devenir le premier traité international régulant le commerce de l'ensemble des armes conventionnelles, qui représente environ 70 milliards de dollars dans le monde.

La conférence de juillet dernier chargée de rédiger le texte du traité avait tourné court, les Etats-Unis, puis la Russie et la Chine réclamant davantage de temps. Selon des délégués à cette conférence, Washington souhaitait renvoyer la question après l'élection présidentielle de novembre 2012.

Les négociations qui doivent durer onze jours ne seront en rien faciles, estiment des diplomates en poste à l'Onu. Washington s'oppose à ce que les munitions soient incluses dans le traité, mais les ONG de défense des droits de l'homme et les partisans d'un contrôle des armes espèrent que la délégation américaine acceptera un compromis sur cette question.

"Les munitions sont littéralement le carburant des conflits", estime Roy Isbister, de Saferworld, un groupe de pression anti-armes. "Sans munitions, les armes se taisent".

Les partisans d'un contrôle des armes et les ONG font valoir que chaque minute une personne meurt dans le monde du fait de la violence armée et qu'un traité s'impose pour mettre à la liberté de circulation des armes et des munitions qui alimente guerres, massacres et atteintes aux droits de l'homme.

Les Etats-Unis disent vouloir un traité substantiel mais le président Barack Obama subit les pressions de la NRA (National Rifle Association), le lobby américain des armes à feu, qui aimerait voir le projet de traité tourner court. La NRA s'est engagée à torpiller la ratification d'un traité au Sénat si Washington le soutient aux Nations unies.

LOBBY PRO-ARMES

Vendredi dernier, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a exprimé un soutien assorti de conditions au projet actuel, en déclarant que Washington était "fermement attaché à la conclusion d'un traité solide et efficace sur le commerce des armes".

Mais il a réaffirmé que les Etats-Unis, premier fabricant d'armes au monde, n'accepteraient pas un traité qui impose de nouvelles limitations au droit des Américains à porter des armes - sujet très sensible aux Etats-Unis.

La NRA estime que la fusillade meurtrière survenue en décembre dans une école de Newton, dans le Connecticut, n'a en rien renforcé la position des partisans d'un traité international sur le commerce des armes. Elle estime d'autre part que le traité risque de nuire au droit des Américains de posséder des armes à feu, ce que contestent les tenants du traité. Vingt écoliers de six et sept ans et six membres du personnel de l'école ont péri dans la tuerie de Newton.

L'objectif du traité est de fixer des normes pour les transferts de tout type d'arme conventionnelle, légère ou lourde. Il imposerait d'autre part aux pays signataires de revoir tous les contrats de livraison d'armes à l'étranger pour s'assurer que les munitions ne soient pas utilisées à des violations des droits de l'homme, et qu'ils ne violent pas les embargos.

Une centaine de pays, conduits par le Mexique et parmi lesquels figurent le Royaume-Uni et l'Allemagne, ont publié lundi un communiqué soulignant: "l'écrasante majorité des Etats membres (de l'Onu) sont d'accord avec nous sur la nécessité et l'urgence d'adopter un texte fort". "Notre voix doit être entendue", ajoutent-ils.

LACUNES

Les ONG, comme Oxfam ou Amnesty International, demandent aux délégations de négociateurs de remédier aux lacunes que ménage le projet actuel de traité. Ces vides laisseraient, selon elles, des marges de manoeuvre à ceux qui violent les droits de l'homme pour continuer à se procurer des armes.

Le fait que le projet en l'état actuel ne couvre que partiellement les munitions est une faiblesse notable, estiment-ils.

Si la conférence sur le traité ne débouche pas sur le consensus nécessaire parce que Washington, la Russie ou quelque autre gros fabricant d'armes s'y oppose, le projet de traité pourra être soumis au vote de l'Assemblée générale des Nations unies.

L'autre possibilité serait d'amender le projet de traité actuel de manière le rendre acceptable aux Etats-Unis et à certaines autres délégations. Les tenants du projet actuel craignent cependant que cela n'affaiblisse le traité voire le vide de son sens.

"Traditionnellement, les Etats-Unis sont allergiques aux traités", déclarait à Reuters un diplomate européen. "Mieux vaudrait avoir un bon traité sans les Etats-Unis et espérer qu'ils le signent plus tard".

Si le traité, qui porte uniquement sur les transferts internationaux d'armes, est approuvé à New York, il devra être ratifié ensuite par les parlements des pays signataires avant de pouvoir entrer en vigueur.

Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a appelé de ses voeux un texte "qui régule les transferts internationaux à la fois des armes et des munitions, et qui fixe des normes communes aux pays exportateurs".

"Ces normes sont importantes pour éviter que les armes transférées ne servent à alimenter des conflits, à équiper des criminels ou qu'elles n'encouragent les violations des droits de l'homme", a-t-il dit. (Eric Faye et Guy Kerivel pour le service français)