* Tensions autour du sort des migrants de l'Aquarius

* Déjeuner Macron-Conte prévu vendredi à l'Elysée

* Survient deux mois après un incident à la frontière

PARIS, 12 juin (Reuters) - "Hypocrisie" contre "cynisme" : le sort des migrants de l'Aquarius a provoqué mardi de nouvelles crispations diplomatiques entre Paris et Rome, deux mois après le couac déclenché par un contrôle douanier frontalier et à trois jours d'un déjeuner entre Emmanuel Macron et Giuseppe Conte.

Le refus du nouveau gouvernement italien, constitué de la Ligue (extrême droite) et du Mouvement Cinq Etoiles (M5S, antisystème), de laisser accoster le navire humanitaire, avec à son bord quelque 600 migrants, a suscité l'agacement du chef de l'Etat, lui-même sous pression en France.

Lors du conseil des ministres, Emmanuel Macron "a tenu à rappeler le droit international maritime qui veut que dans ces cas-là de détresse, ce soit la côte la plus proche qui assume la responsabilité de l'accueil".

"Il y a une forme de cynisme et d'irresponsabilité du gouvernement italien face à cette situation humanitaire dramatique", a rapporté le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux.

La riposte italienne ne s'est pas fait attendre. Dans un communiqué, le président du Conseil Giuseppe Conte qualifie les déclarations françaises de "surprenantes" qui "montrent un sérieux manque d'informations sur ce qu'il se passe vraiment."

"L'Italie ne peut accepter de recevoir des leçons hypocrites de pays qui ont toujours préféré tourner le dos quand il s'agit d'immigration", souligne-t-il.

Confrontée à un afflux de migrants sur ses côtes en provenance de Libye, l'Italie se plaint de devoir gérer seule le "fardeau" migratoire et appelle régulièrement - en vain - ses partenaires européens à une plus grande solidarité.

"MALENTENDU"

A peine élu en mai 2017, Emmanuel Macron avait reconnu lors d'une rencontre à Paris avec le président du conseil de l'époque, Paolo Gentiloni, que l'Europe n'avait pas "suffisamment tôt entendu les cris d’alerte qui étaient lancés par l’Italie".

Un an plus tard, le ton est à l'amertume en Italie face à une France qui continue de bloquer l'accès à son territoire aux milliers de migrants massés à la frontière franco-italienne. Des responsables italiens, qui avaient salué la déclaration d'Emmanuel Macron, déplorent l'absence d'aide concrète de la part de la France.

Dans ce contexte tendu, l'intervention fin mars de douaniers français armés dans un local d'une ONG dans la gare frontalière de Bardonecchia, en Italie, pour contrôler un ressortissant nigérian intercepté dans le TGV Paris-Milan, a mis le feu au poudre.

Le ministère italien des Affaires étrangères avait convoqué l'ambassadeur de France à Rome et dénoncé "un acte grave" "en dehors du cadre de la collaboration entre Etats frontaliers". Face à la bronca, la France avait dépêché son ministre des Comptes publics, Gerald Darmanin, qui avait exprimé les regrets de la France pour ce "malentendu".

Sur ces tensions migratoires vient se greffer la question épineuse de la Libye, les initiatives diplomatiques françaises visant à rétablir la sécurité dans l'ancienne colonie italienne faisant régulièrement grincer des dents la presse transalpine. (Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse)