* Bruxelles dénonce une polémique absurde et regrettable

* Montebourg a accusé Barroso d'être le "carburant" du FN

* Barnier se met en colère et défend Barroso

* Des accrochages à répétition entre Paris et Bruxelles (Avec commentaire Jean-Luc Mélenchon, derniers paras)

par Emmanuel Jarry

PARIS, 24 juin (Reuters) - José Manuel Barroso a dénoncé lundi une polémique "absurde" et "inutile" au lendemain de déclarations d'Arnaud Montebourg qui ont provoqué un nouvel accrochage entre Paris et Bruxelles, à l'orée d'une semaine européenne chargée.

Le ministre français du Redressement productif a accusé dimanche le président de la Commission européenne de faire le lit de l'extrême droite en France.

"Quand il s'agit de réforme économique, d'ouverture, de mondialisation, de l'Europe et de ses institutions, certains souverainistes de gauche et de l'extrême droite ont exactement le même discours", a réagi lundi l'intéressé, lors d'une conférence de presse à Bruxelles.

La Commission avait auparavant jugé "regrettable" qu'un ministre français ait "une nouvelle fois" fait d'elle le "bouc émissaire" des difficultés de la France et de ne défende pas plus l'Europe face au populisme ou au "chauvinisme".

Au soir d'une huitième défaite socialiste consécutive dans un scrutin législatif partiel, le ministre du Redressement productif, coutumier des sorties tonitruantes, a accusé le président de la Commission d'être "le carburant" du FN.

Le candidat de la majorité au siège de l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac, mis en cause dans une affaire de comptes bancaires occultes à l'étranger, avait été éliminé dès le premier tour. Son adversaire UMP l'a emporté au second tour mais le candidat FN a obtenu 46,24% des voix, une véritable percée.

"Si certains pensent vraiment que c'est une institution à l'étranger qui fait le lit du Front national depuis des années en France, c'est vraiment nul, parce que c'est le degré zéro de la politique", a réagi un proche de José Manuel Barroso.

Le commissaire européen au Marché Intérieur, Michel Barnier, de passage à Paris, a pour sa part qualifié d'"insupportables", fausses et absurdes les accusations d'Arnaud Montebourg.

"ÇA SUFFIT !"

"J'en ai assez, je le dis avec une certaine colère, de voir dans mon propre pays des ministres comme M. Montebourg, des hommes et des femmes politiques de droite et de gauche dire 'c'est toujours la faute des autres', de se défausser", a dit sur France 2 l'ancien ministre UMP.

Michel Barnier est revenu à la charge un peu plus tard devant des journalistes spécialistes des dossiers européens.

"Ça suffit !" a-t-il lancé. "Le travail de M. Montebourg c'est de redresser la compétitivité française (...) Qu'il fasse son travail plutôt que de faire des polémiques."

Le point de départ de cette passe d'armes est le refus de Paris d'inclure l'audiovisuel et internet dans les négociations commerciales entre l'Union européenne et les Etats-Unis.

La France a obtenu gain de cause mais José Manuel Barroso a estimé que la position française s'inscrivait dans une "vision antimondialisation (...) complètement réactionnaire".

Selon Michel Barnier, qui avait rendez-vous lundi après-midi avec le président François Hollande, Barroso n'entendait pas mettre en cause la diversité culturelle défendue par Paris.

"Il a voulu dire qu'en Europe tous ceux qui se mettent la tête dans le sable, qui veulent refermer les frontières, ont une attitude réactionnaire. Ça, moi je le pense aussi", a-t-il dit.

José Manuel Barroso a pour sa part assuré à Bruxelles que la cause de l'exception culturelle était pour lui "sacrée".

Selon une source proche du président de la Commission, il s'en était expliqué avec François Hollande en marge du récent sommet du G8. Mais ce n'est que le dernier en date de nombreux accrochages entre Paris et Bruxelles.

"OSCILLATIONS PERMANENTES"

En mai, le président français avait ainsi estimé, à propos des recommandations de la Commission sur les réformes à conduire en France, que le détail des mesures à prendre relevait de Paris et non de l'exécutif européen.

Cette déclaration avait suscité une vive réaction du Commissaire européen aux Affaires monétaires, Olli Rehn, qui s'était dit "stupéfait" par les propos du chef de l'Etat.

Un proche collaborateur de José Manuel Barroso dénonce l'inconstance de dirigeants français passant de l'approbation à l'invective au gré des décisions de la Commission.

"La France est le seul pays qui réagit comme ça. Il n'y a pas de stabilité mais des oscillations permanentes", dit-il.

Le dernier accroc intervient avant un Conseil des ministres de l'Agriculture à Luxembourg, d'ultimes tractations entre le Parlement et le Conseil européens sur le budget communautaire, une réunion des ministres des Finances sur l'union bancaire et un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE.

Du côté européen, on veut en minimiser l'impact.

"Ça n'altèrera pas la qualité du dialogue", a ainsi dit Michel Barnier. "François Hollande et (le Premier ministre) Jean-Marc Ayrault ne sont pas sur cette ligne. Après, c'est à eux de remettre de l'ordre là où c'est nécessaire."

"On a chacun nos francs-tireurs dans nos équipes, avec leur style respectif. L'important est que les deux présidents se parlent régulièrement", renchérit un proche de Barroso.

Mais le même admet que "ce n'est pas une bonne séquence, en ce moment, pour les relations entre la France et la Commission".

L'accrochage à distance Barroso-Montebourg alimente aussi le débat politique intérieur français. Le dirigeant du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, détracteur de la politique de François Hollande, a ainsi renvoyé dos-à-dos le chef de l'Etat et le président de la commission européenne.

"Barroso est un prétexte pour le gouvernement. Il s'agit d'une manoeuvre de propagande", a-t-il dit à i