Les fonds opportunistes, contrariants, sont plutôt rares dans notre sélection de fonds small caps. Le fonds HMG Découvertes, lancé en 1987, fait figure de référence historique en la matière. Entretien avec son gérant depuis 2012.

Jean-François Delcaire, qu’est-ce-qui explique la surperformance de HMG Découvertes sur le long terme ?

"Découvertes est un fonds qui investit de façon opportuniste et sélective dans des petites valeurs de la cote française, en n’hésitant pas à sortir des sentiers battus. Cela passe par une forte présence sur le terrain, y compris aux Assemblées Générales où nous nous rendons à travers l’hexagone, ce que peu de gérants font finalement.  Notre bonne performance relative aux indices des petites valeurs repose plutôt sur notre capacité à résister en période de baisse qu’à surperformer en période de hausse, comme ce fut le cas en 2018. Notre horizon de présence au capital des entreprises pour plusieurs années nous permet également de ne pas faire de la liquidité d’un titre un critère clé. C’est, je crois, une des raisons de notre performance dans la durée."

HMG Découvertes : un fonds particulièrement résistant dans les marchés baissiers. Source : Quantalys

Concrètement, quel type de valeur privilégiez-vous ?

"Chercher de la valeur là où les autres ne vont pas, oser être contrariant et aller temporairement en sens inverse du sentiment dominant du marché fait partie de l’ADN d’HMG. Les anomalies de valorisation se produisent quand une valeur est délaissée par les investisseurs ou par les analystes. Pour autant, nous nous méfions des valeurs trop cycliques et apprécions, dans un monde où la croissance est durablement molle, les sociétés qui offrent tout de même un peu de croissance. Nous privilégions alors la croissance visible, sur des niches d’activités naturellement dynamiques et la capacité de cette croissance à se traduire par un levier opérationnel sur les marges. Enfin, les valeurs ayant fait ou pouvant faire l’objet d’une opération financière attirent notre attention."

A en juger vos premières lignes, le fonds fait en effet la part belle à ce type de dossier …

"Cela fait partie de mon tropisme, ayant été arbitragiste avant d’intégrer HMG il y a 7 ans. Mais le 1er critère reste la qualité de la société dans laquelle nous investissons. Les opérations financières apportent un supplément de performance quand les marchés d’actions sont porteurs, et peuvent sauver la performance dans les phases plus difficiles, compte tenu d’une prime moyenne de l’ordre de 30% offerte aux minoritaires dans le cadre des offres publiques. Et puis il s’agit d’un thème d’actualité pour de nombreuses raisons. D’une part car la croissance externe complète une croissance organique au ralenti et que compte tenu des taux d’intérêts bas, la moindre acquisition devient relutive. D’autre part, car comme l’indique l’indice Argos Mid-Market, les PME et ETI non cotées se négocient de plus en plus cher, et que les fonds de capital investissement vont très probablement accélérer leurs emplettes en Bourse. Le mois d’octobre a d’ailleurs vu le nombre d’opérations doubler par rapport à l’année dernière. Ce phénomène sera favorisé par la tentation compréhensible de la part de certains dirigeants de s’affranchir des contraintes croissantes que la cotation en Bourse leurs impose : obligations de transparence, parité homme-femme, normes comptables, etc. Enfin, un détail réglementaire qui n’en n’est pas qu’un : depuis juin 2019, dans le cadre de la loi PACTE, le seuil de retrait obligatoire a été abaissé de 95% à 90% dans un souci d’harmonisation européenne. Cela risque d’ailleurs de favoriser des offres au rabais… ".

Comment réagissez-vous dans ce cas ?

"Quand le prix n’est pas le juste reflet de la qualité des actifs, ce qui arrive assez souvent puisque la façon dont l’évaluateur indépendant est retenu pose question, nous n’hésitons pas à renforcer notre position au capital de l’entreprise cible. Cela fut le cas pour Cegid où le prix a été revu en hausse de 37% seulement un an après une première OPA. La première ligne du fonds est IGE+XAO, un éditeur de logiciels qui a fait l’objet en janvier 2018 d’une OPA à 132€ de la part de Schneider. L’entreprise est toujours cotée et enchaîne les publications positives, au-delà de toute attente. Nous sommes donc ravis de rester actionnaires au cours actuel de 168 €. Nous pourrions également citer le cas de Gaumont qui cote 130 € alors qu’une offre a été initiée à 75€ début 2017. Son patrimoine immobilier de rapport couvrant près de la moitié de la capitalisation boursière, nous conservons cette position qui offre un coussin à la baisse. Enfin, nous apportons volontiers aux offres publiques lorsque nous estimons que le prix est juste, comme ce fut le cas lors de l’OPA sur Aufeminin.com."

Les small caps sont délaissées depuis le début 2018. A quand le rattrapage ?

"L’écart de performance entre les petites et les grandes valeurs s’élève à près de 30% depuis 2018. C’est le résultat logique de la décollecte de cette classe d’actifs, et cela se retrouve dans ses ratios de valorisation. Mais j’ai le sentiment que l’on approche de la fin du mouvement. Les clients vont probablement laisser passer décembre car ils gardent en mémoire la très mauvaise fin d’année 2018, pour ensuite se repositionner début 2020. Un simple arrêt de la décollecte pourrait prolonger le rebond initié en ce début novembre. De plus, des fonds plutôt investis sur les grandes valeurs pourraient prendre des profits afin d’acheter à bon compte des valeurs moyennes délaissées, entraînant ainsi le reste de la cote."

Performances d’HMG Découvertes : en bleu sur le graphique de droite. Source : Quantalys

De quelles autres opportunités sur le marché pouvez-vous nous parler ?

"J’en citerais trois. Ipsos, le n°3 mondial des sociétés d’études marketing. Sa valorisation est modeste avec un VE/ROC de 9, une génération de flux de trésorerie élevée et un rendement supérieur à 3%. Les investisseurs craignent le déclin du marché, mais j’ai l’impression que la gestion d’Ipsos rattrape le retard dans le numérique. Les grands industriels des biens de consommation, gros consommateurs d’études, sont moins dynamiques, mais le relais est pris par les GAFA, entre autres. La croissance reprend d’ailleurs de la vigueur, comme le montrent les dernières publications. Cerise sur le gâteau, une évolution actionnariale est tout à fait probable compte tenu de l’âge du capitaine et de l’intérêt des gros fonds de LBO pour ce secteur.

HighCo ensuite. Cet acteur historiquement positionné sur le secteur mature des coupons promotionnels papiers opère avec succès sa transformation digitale, en apportant à travers tous types de canaux du trafic aux acteurs de la la distribution traditionnelle. Là aussi, la  valorisation est raisonnable et une évolution de l’actionnariat est imaginable compte tenu de la présence de WPP au capital, avec un management qui aurait tout intérêt à se lancer dans un MBO.

Enfin, un pari très contrariant sur Pierre et Vacances, société très connue du grand public mais délaissée en Bourse compte tenu de la faible rentabilité des actifs. Nous pensons qu’une amélioration de la profitabilité devrait finir par se produire, moyennant une gestion des coûts plus poussée de la part de la nouvelle direction, notamment via une révision progressive des loyers. Les emplacements sont de qualité, les fondamentaux en termes de positionnement sont très bons : cela devrait finir par se voir dans les résultats."

Evolution comparée de la valeur du fonds HMG Découvertes sur 5 ans. Source : Quantalys

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