KIEV (Reuters) - La Russie et l'Ukraine ont fait part vendredi de l'hypothèse d'ouvrir des négociations, alors même que les autorités de Kiev ont exhorté les habitants à défendre la capitale ukrainienne face à l'assaut de l'armée russe, dans ce qui constitue la pire crise sécuritaire en Europe depuis plusieurs décennies.

Via les réseaux sociaux, le porte-parole du président ukrainien Volodimir Zelenski a indiqué dans la soirée que l'Ukraine et la Russie discutaient du lieu et du calendrier de pourparlers de paix, dans la foulée de l'annonce par les Occidentaux de sanctions visant directement le président russe Vladimir Poutine ainsi que son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.

Le Kremlin a déclaré pour sa part que Moscou avait proposé à Kiev une rencontre dans la capitale biélorusse Minsk, mais s'être vu proposer à la place la capitale polonaise Varsovie comme lieu des discussions, ce qui a provoqué une "pause" dans les échanges.

Toutefois, la proposition de dialogue de la Russie a été critiquée par les Etats-Unis, le porte-parole du département d'Etat américain dénonçant une tentative de mener une diplomatie avec "le canon d'un pistolet" et appelant Vladimir Poutine à mettre fin aux bombardements contre l'Ukraine pour démontrer sa volonté de négocier.

L'ouverture affichée par Moscou tranche avec les événements sur le terrain, entre assauts russes contre plusieurs villes ukrainiennes et appel de Vladimir Poutine à ce que l'armée ukrainienne renverse le pouvoir en place à Kiev.

Alors que des témoins ont rapporté vendredi soir des séries de tirs d'artillerie et d'intenses échanges de coups de feu dans l'ouest de Kiev, le ministère ukrainien de la Défense a demandé aux habitants de préparer des cocktails Molotov pour repousser les "envahisseurs".

Volodimir Zelenski s'est filmé dans les rues de la capitale, en compagnie de plusieurs de ses conseillers, pour appeler à la défense de l'indépendance de l'Ukraine.

Certaines familles se sont dirigées vers des abris de Kiev, cible de tirs de missiles russes pour une deuxième journée consécutive, tandis que d'autres tentaient de monter à bord de trains pour rejoindre l'ouest du pays. Des dizaines de milliers de personnes ont fui vers des pays européens frontaliers.

"POINT DE NON-RETOUR"

En dépit des avertissements des Occidentaux, Vladimir Poutine a lancé dans la nuit de mercredi à jeudi une offensive terrestre, maritime et aérienne pour envahir l'Ukraine, menaçant l'ordre sécuritaire de l'Europe datant de la Guerre froide.

"J'en appelle une nouvelle fois au personnel des forces armées ukrainiennes (...) Prenez le pouvoir entre vos mains, il sera plus facile de parvenir à un accord", a dit le chef du Kremlin lors d'une réunion du Conseil de sécurité nationale à Moscou, diffusée à la télévision.

La Maison blanche a annoncé vendredi que les Etats-Unis allaient imposer des sanctions contre Vladimir Poutine et Sergueï Lavrov, une mesure coordonnée avec l'Union européenne, la Grande-Bretagne et le Canada.

Jusqu'à présent, les sanctions financières prises par les Occidentaux contre la Russie n'ont pas fait reculer Moscou, qui a décrit les sanctions contre Vladimir Poutine comme l'illustration de l'"impuissance" occidentale.

Citée par l'agence de presse RIA, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a par ailleurs prévenu que les relations entre Moscou et Washington approchaient du "point de non-retour".

Le maire de Kiev, l'ancien champion du monde de boxe Vitali Klitschko, a déclaré que des "saboteurs" russes se trouvaient déjà dans la capitale afin de la "mettre à genoux" et de "détruire" les Ukrainiens.

Des témoins ont rapporté des explosions et des coups de feu près de l'aéroport de Kharkov, la deuxième plus grande ville ukrainienne, située près de la frontière avec la Russie.

Les autorités ukrainiennes ont déclaré que plus de 1.000 soldats russes ont été tués dans les affrontements. Moscou n'a communiqué aucun bilan.

A Washington, des représentants américains disent penser que l'objectif premier de Vladimir Poutine est de "décapiter" le gouvernement de Volodimir Zelenski.

La Russie a été exclue vendredi de grands événements sportifs du fait de l'invasion de l'Ukraine et ne sera pas autorisée à présenter un candidat au concours de l'Eurovision cette année.

(Reportage Natalia Zinets et Maria Tsvetkova à Kiev, Aleksandar Vasovic à Marioupol, avec les bureaux européens et américain de Reuters; rédigé par Jean Terzian)

par Maria Tsvetkova