* Le Mali au menu d'un dîner Merkel-Hollande à Berlin

* Le couple franco-allemand en quête d'un nouveau souffle

* Berlin et Paris font de la jeunesse une priorité

par Emmanuel Jarry

BERLIN, 21 janvier (Reuters) - Angela Merkel et François Hollande se sont efforcés lundi à Berlin de gommer leurs divergences pour célébrer l'amitié franco-allemande, à la veille du 50e anniversaire du traité de l'Elysée, qui a scellé la réconciliation entre les deux pays.

A l'heure où des voix s'élèvent à Paris pour regretter un manque de soutien de l'Allemagne à l'intervention militaire de la France au Mali, le président français est ainsi venu au secours de la chancelière allemande, lors d'une rencontre avec 200 jeunes.

"L'Allemagne, les Européens, nous ont immédiatement apporté leur soutien", a-t-il déclaré en réponse à un élève officier français. "Soutien en termes de transports - c'est le cas d'ailleurs pour l'Allemagne. Soutien en termes de formation des militaires africains (...) ou en termes financiers, ce qui n'est pas négligeable."

Angela Merkel a invoqué le manque d'expérience de son pays en Afrique et les procédures de décision allemandes pour expliquer un manque de réactivité qui avait été encore plus patent lors de la crise libyenne, en 2011.

Elle a cependant admis que l'Europe de la défense devait avancer plus vite - sujet cher à la France - et plaidé pour un changement des procédures de décision de son pays face à des crises comme celles du Mali.

"Chaque fois que l'armée allemande doit être envoyée quelque part, c'est au Parlement allemand d'en décider", a-t-elle dit en rappelant les raisons liées à la seconde guerre mondiale.

"Il faut essayer d'approfondir le débat avec nos députés, il faut quand même qu'on puisse compter sur l'Allemagne, qu'elle soit réellement disponible", a-t-elle ajouté. "Je pense que, dans les prochaines législatures, c'est un débat qu'il faudrait conduire."

HISTOIRE ENJOLIVÉE

Le couple franco-allemand, qui a joué un rôle moteur dans la construction de l'Union européenne ces dernières décennies mais dont la crise de l'euro a malmené l'unité, est aujourd'hui en quête d'un nouveau souffle.

Selon l'entourage du président français, la crise malienne était un des sujets au menu d'un dîner des deux dirigeants, avec le budget de l'Union européenne, enjeu de négociations laborieuses et du prochain conseil européen, les 7 et 8 février.

Auparavant, en levée de rideau du cinquantenaire du traité de l'Elysée, ils ont esquivé deux heures durant les sujets qui fâchent face aux jeunes Allemands et Français qui les questionnaient dans une chancellerie transformée en plateau de télévision par la chaîne franco-allemande Arte.

Quitte parfois à enjoliver l'histoire. Angela Merkel a ainsi estimé que l'unité retrouvée de l'Allemagne après la chute du mur de Berlin n'aurait pas été possible sans l'amitié franco-allemande, omettant au passage de rappeler que la réunification avait mis cette amitié à rude épreuve.

Elle a rappelé que François Hollande et elle avaient huit ans, lors de la signature du traité de l'Elysée par Charles de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer.

"Le temps passe, il passe vite", a-t-elle souligné. "A l'époque, j'habitais en RDA, de l'autre côté de la fracture de la guerre froide, et il n'était pas évident que nous nous retrouverions un jour ici, à la chancellerie."

François Hollande a pour sa part estimé que le message était aujourd'hui le même qu'il y a 50 ans : "Notre responsabilité, c'est de donner à la jeunesse de nos deux pays et à la jeunesse européenne confiance, espérance dans l'avenir."

"Est-ce que nous sommes porteurs encore de la même volonté ? ma réponse est oui", a-t-il ajouté. "Nous devons (...) continuer à bâtir une amitié exceptionnelle et emmener l'Europe vers son destin qui est celui d'une unité plus profonde encore."

PRIORITÉ À L'EMPLOI DES JEUNES

Angela Merkel a cependant marqué les limites de ce que Berlin pouvait accepter en affirmant qu'il n'était pas question pour elle d'envisager, comme François Hollande, sous prétexte d'harmonisation fiscale, une tranche d'imposition à 75%.

"Je n'ai pas l'intention de transposer en Allemagne un élément du système fiscal français", a-t-elle dit. "Ce qui est important c'est qu'on ait le sentiment que le système fiscal reflète la justice et c'est un équilibre très fin à trouver."

Les jeunes interlocuteurs d'Angela Merkel et de François Hollande avaient été sélectionnés par l'Office franco-allemand pour la jeunesse (Ofaj), créé en 1963 dans la foulée du traité.

L'Ofaj a permis à ce jour à plus de huit millions de jeunes Français et Allemands de participer à quelque 300.000 programmes d'échange, de bourses et de cours de langue.

France et Allemagne envisagent d'augmenter ses moyens, d'élargir ses missions et de prendre des initiatives pour la formation, la mobilité professionnelle et l'emploi des jeunes, comme la création d'un statut de stagiaire franco-allemand.

François Hollande et Angela Merkel s'adresseront mardi à un millier de parlementaires des deux pays, après un conseil des ministres franco-allemand qui adoptera une déclaration sur le renforcement de la coopération entre les deux pays. (édité par Jean-Philippe Lefief)