par Jamie McGeever

LONDRES, 23 novembre (Reuters) - Après les surprises politiques, économiques et financières de 2016, les investisseurs sont à l'affût des tendances dont dépendront les performances de leurs placements l'année prochaine.

La fin d'un marché haussier de plus de trois décennies sur l'obligataire, le retour de l'inflation, des banques centrales aux limites de leur capacité d'intervention et des politique budgétaires expansionnistes pour la première fois en dix ans, telles sont les grandes lignes du consensus pour 2017.

La confirmation de ce nouvel environnement devrait se traduire sur les marchés par une poursuite de la hausse des rendements obligataires, des Bourses des économies développées et du dollar, mais aussi par une baisse des actions comme de la dette des pays émergents, pénalisés par l'appréciation de la devise américaine.

Sur les actions, les recommandations consistent dans la plupart des cas à surpondérer les pays développés au détriment des émergents, à se renforcer sur les bancaires, qui bénéficieront de la hausse des taux et de la pentification des courbes, et à privilégier les secteurs de la construction et du logement qui profiteront de la hausse attendue des dépenses publiques d'infrastructures.

Voilà pour le consensus, mais certaines analyses et recommandations vont à contre-courant:

1. RENDEMENTS OBLIGATAIRES : ATTENTION À LA RECHUTE.

HSBC, qui avait correctement anticipé la poursuite de la baisse des rendements obligataires américains cette année, prévoit que les taux longs pourraient tout à fait continuer leur remontée l'année prochaine et que le rendement des obligations à 10 ans du Trésor américain pourrait atteindre 2,5% dans le courant du premier trimestre, mais pas après.

Steven Major, le stratégiste obligataire de HSBC s'attend à ce que les taux à 10 ans américains replongent ensuite à 1,35%, testant à nouveau les plus bas atteints cette année, en raison des conséquences de leur hausse précédente sur les conditions de financement et donc l'économie dans son ensemble.

2. 2016, L'ANNÉE DE TOUS LES "PICS"

Pour Bank of America Merrill Lynch, l'année qui s'achève a été celle du "pic des liquidités, du pic des inégalités, du pic de la globalisation et du pic de la déflation" ainsi que celle de la fin du marché haussier sur l'obligataire le plus long jamais enregistré.

"Pour la première fois depuis 2006, il n'y aura pas (en 2017) d'assouplissement monétaire majeur dans les sept pays les plus industrialisés (G7) et les taux d'intérêt comme l'inflation surprendront à la hausse", prédit la banque d'investissement.

Elle donne même le point de départ du grand renversement de tendance sur les marchés obligataires : le 11 juillet 2016, lorsque le rendement des obligations à 30 ans du Trésor américain est tombé à un plus bas de 2,008%. Il est depuis remonté à 3%.

3. CYGNES NOIRS

Les économistes de la Société générale ont synthétisé dans un graphique les quatre "cygnes noirs", ces événements imprévus dont la réalisation provoque de fortes perturbations, qui pourraient déstabiliser les marchés: de l'incertitude politique au risque de guerre commerciale en passant par une forte tension sur les taux longs ou un atterrissage en catastrophe de l'économie chinoise. Graphique : http://tmsnrt.rs/2fYLTrP

4. L'EURO AUSSI PEUT S'APPRÉCIER

"Le dollar est surévalué par rapport aux autres devises du G10". Ce point de vue d'UBS, qui table sur un euro à 1,20 dollar fin 2017, va clairement à l'encontre du consensus pour lequel la parité est en vue et pourrait même être enfoncée alors que la devise européenne est tombée mercredi à un plus bas d'un an sous 1,0550 dollar. Pour le géant suisse de la gestion privée, l'euro sera soutenu par le ralentissement des rachats d'actifs de la Banque centrale européenne (BCE) tandis que la livre sterling rebondira elle aussi contre le dollar après la chute provoquée par le vote du Brexit.

5. UN "CARRY INTÉRESSANT" SUR CERTAINS ÉMERGENTS

La perspective de marchés émergents pénalisés par l'appréciation du dollar et la remontée des taux américains l'année prochaine ne fait guère l'objet de débat. Pourtant, deux des prises de positions favorites de Goldman Sachs, qui anticipe depuis longtemps le raffermissement du dollar et une hausse des rendements, impliquent d'acheter des actifs émergents.

La banque d'investissement recommande en effet d'investir dans un panier de devises équipondéré comportant du real brésilien, du rouble, de la roupie indonésienne et du rand sud-africain ainsi que de vendre un panier également équipondéré comprenant du won sud-coréen et du dollar de Singapour, ce qui doit permettre de dégager un "carry intéressant". Elle préconise par ailleurs de se positionner à l'achat sur les actions brésiliennes, indiennes et polonaises.

6. PAS DE FREINAGE PAR LA BCE

L'inflation a touché ses points bas, la Fed relève ses taux et d'autres banques centrales réduisent leur stimulation monétaire. Mais pour RBC Capital Markets, la BCE prolongera son programme d'assouplissement quantitatif le mois prochain et devra encore le faire avant la fin de l'année prochaine en raison d'une inflation et d'une croissance toujours insuffisante au sein de la zone euro.

"Même à la fin de l'année 2017, les débats seront encore très comparables à ceux auxquels nous assistons actuellement : comment la BCE peut-elle continuer à stimuler l'économie?", explique l'intermédiaire.

L'écart de rendement entre les Etats-Unis et la zone euro, déjà important, pourrait donc se creuser encore. L'écart de rendement à 10 ans a atteint cette semaine un plus haut de plus de 25 ans à 210 points de base tandis que le recul du rendement sur les Bunds allemands à deux ans, à un plus bas record de -0,74%, portait le spread sur cette échéance à son plus haut niveau depuis dix ans, à 185 points de base.

7. ENTREPRISES AMÉRICAINES : $1.000 MILLIARDS DE RAPPORT

Deutsche Bank estime à 1.000 milliards de dollars (947 milliards d'euros) environ le montant des profits parqués à l'étranger que les entreprises américaines pourraient rapatrier aux Etats-Unis si le président élu Donald Trump tient sa promesse de leur permettre de le faire à un taux d'imposition forfaitaire réduit. Une telle injection de liquidités pourrait donner un coup de fouet à Wall Street, qui a inscrit de nouveaux plus hauts depuis l'élection du 8 novembre.

Citi prévoit que les marchés actions mondiaux progresseront de 10% l'année prochaine, emmenés par les Bourses des pays développés. Une hausse de 10% du dollar et une baisse du taux de l'impôt sur les sociétés (IS) à 20% aux Etats-Unis pourraient entraîner une augmentation supplémentaire de 6% des bénéfices par action (BPA) à l'échelle mondiale, selon les calculs de la banque. "Si d'autres pays réduisent aussi l'IS, les BPA progresseront encore plus en dépit d'un environnement économique terne."

(Marc Joanny pour le service français, édité par Marc Angrand)