Les Etats-Unis et la Chine vont solder leur différend commercial. C’est le postulat de base du patron de l’investissement de Lombard Odier, Stéphane Monier. Depuis le début des attaques américaines, Pékin s’est employé à utiliser la carotte et le bâton, mais son discours est resté mesuré, surtout lorsqu’on le compare avec les saillies de Donald Trump. Cela n’a pas empêché la Chine d’adopter des mesures de rétorsion, comme la taxe hautement symbolique de 179% sur le sorgho, qui frappe au cœur l’électorat du président américain. « Pour déformer une phrase célèbre, la Chine a joué le jeu mais elle avait en main un gros bâton », explique Stéphane Monier, qui rappelle que Pékin s’est montré apaisant sur la propriété intellectuelle tout en évoquant avec souplesse les restrictions à la détention étrangère d’actifs financiers et automobiles. L’approche n’est pas sans risque pour la seconde économie mondiale, mais il apparaît qu’elle « fasse volontairement des concessions qu’elle avait toujours été prête à faire ». De surcroît, elle semble négocier en position de force, car la capacité du gouvernement chinois à influencer son opinion publique pourrait lui permettre de pousser la population à boycotter les produits américains. Une situation que Washington ne peut ignorer.

Tout bénéfice pour les matières premières

De ce bras de fer plus subtil qu’il n’y paraît devrait sortir un compromis, estime le CIO de Lombard Odier. Cette conviction, qui n’est pas exempte de risque puisque le processus peut encore dérailler, pousse la maison de gestion à l’optimisme sur les matières premières. L’allocation de cette classe d’actifs a d’ailleurs été doublée dans les portefeuilles, jusqu’à atteindre 3%. Le compartiment le plus à même de profiter d’un apaisement des tensions commerciales serait celui des métaux industriels (cuivre, aluminium, zinc, nickel…). « Plus généralement, nous pensons que les surplus d’approvisionnement sont en train de disparaître et que les marchés physiques se resserrent dans les segments de l’énergie et des métaux de base », ajoute Monier.

Lombard Odier garde un biais positif sur les marchés émergents, en particulier grâce à l’adoption de cette politique de « soft power » par la Chine, par opposition aux gesticulations du président américain qui « semble vouloir troquer son influence globale pour des gains marginaux dans le cadre d’accords commerciaux bilatéraux ». L’Europe devrait aussi en profiter car elle sera courtisée à l’Est comme à l’Ouest… Ce qui nourrit l’optimisme de la gestion pour la région. Pour protéger le portefeuille de ses clients, elle a toutefois adopté une position longue « soutenue » sur le yen et a favorisé l’exposition aux obligations convertibles, pour leur rendement asymétrique. La Chine attend donc patiemment son heure pour dépasser les Etats-Unis en tant que première puissance mondiale. Pour Stéphane Monier, Pékin a déjà bien avancé sur la transformation de son modèle de croissance de la quantité vers la qualité : c’est le gage d’une certaine stabilité et cela ouvre de nouveaux horizons aux investisseurs, conclut-il.