par Karen Brooks et Lisa Maria Garza

FORT HOOD, Texas, 9 août (Reuters) - Les rescapés de la tuerie de la base militaire de Fort Hood au Texas ont défilé à la barre jeudi pour raconter la panique et la confusion, le sang et la brûlure des balles déchirant les corps.

Les témoignages se sont succédé pour reconstituer cette journée du 5 novembre 2009 quand le major Nidal Hasan, psychiatre de l'armée américaine, a ouvert le feu sur tout ce qui ressemblait à un uniforme, faisant 13 morts et 31 blessés.

Les rescapés de la tuerie se souviennent avoir joué les morts pour tenter d'échapper au pire et leurs efforts inutiles pour sauver leurs amis. Ces militaires n'ont pas pu riposter : le port d'arme est interdit sur la base.

La police militaire a fini par tirer sur le major Nidal Hasan. Il en est sorti paralysé, de la poitrine jusqu'au bas du corps. Il assiste à son procès en chaise roulante.

"Il y avait beaucoup de corps sur le sol. Les chaises étaient renversées, beaucoup de sang sur le plancher. Ça sentait la poudre, le sang, les excréments", a déclaré le sergent-chef Michael Davis. Il a d'abord pensé que les tirs faisaient partie d'un exercice d'entraînement jusqu'à ce qu'il voie quelqu'un touché. "J'ai vu le sang gicler", a-t-il dit.

Une femme enceinte a crié "S'il vous plaît, non! S'il vous plaît non! Mon bébé ! Mon bébé !" avant d'être abattue, a raconté le sergent Maria Guerra.

D'emblée, dès l'ouverture du procès mardi, Nidal Hasan, a reconnu les faits. "Je suis le tireur", a-t-il lancé aux jurés. Il a dit avoir "changé de camp" dans ce qu'il a qualifié de guerre des Etats-Unis contre l'islam. Il devait être envoyé en Afghanistan quelques jours plus tard.

"DU SANG SUR MES SOULIERS"

Le parquet a renoncé à le poursuivre pour faits de terrorisme. Il risque néanmoins la peine de mort si les 13 officiers qui constituent le jury retiennent la préméditation. Il serait alors le premier militaire en service exécuté par l'armée américaine depuis 1961.

Les trois avocats de Nidal Hassan ont demandé à la cour martiale de réduire leur rôle parce que, disent-ils, leur client recherche activement la condamnation à mort - ce que le sergent Hasan conteste - et qu'ils ne veulent pas participer à une telle issue.

La juge, le colonel Tara Osborn, n'a pas accepté leur requête et leur a demandé de continuer à assister le prévenu qui a décidé d'assurer seul sa défense.

Parmi les 12 témoins entendus jeudi, le soldat Lance Aviles, se rappelle avoir vu son ami, le première classe Kham Xiong, abattu quelques instants après avoir discuté de base-ball et de la victoire des New York Yankees.

"J'ai vu mon pote toucher le sol. Il avait une blessure au bas du crâne et du sang sur mes souliers", raconte Lance Aviles.

Le major à la retraite Laura Suttinger a parlé des tirs et des cris pendant qu'elle tentait de porter secours à une victime blessée à la jambe.

"Il y avait des corps au sol. Il y avait du sang partout", a-t-elle dit.

Alan Carroll a raconté avoir dit à son ami, le première classe Aaron Nemelka, de quitter son siège et de s'allonger par terre, mais il est resté immobile, sans réaction.

"J'ai attrapé sa jambe et l'ai tiré vers le sol. Je lui ai dit de se mettre à terre et de faire comme s'il était mort", raconte Alan Carroll. "Je lui ai dit qu'il avait une chance : il fallait qu'il roule, mette la tête au sol et retienne sa respiration."

Le première classe Nemelka a été touché au cou alors qu'il était encore assis. Puis il est mort. (Danielle Rouquié pour le service français)