BRUXELLES, 26 février (Reuters) - Des agriculteurs manifestaient lundi à Bruxelles, Madrid et en Pologne pour exiger un soutien de la part de l'Union européenne (UE) sur des questions allant des prix bas des supermarchés aux accords de libre-échange, alors que les ministres de l'Agriculture se réunissent pour discuter de la crise dans le secteur.

A Bruxelles, des agriculteurs ont mis le feu à des piles de pneus usagés, obligeant les forces de l'ordre à utiliser des canons à eau pour éteindre les flammes.

La police anti-émeute a également tiré au canon à eau sur les manifestants qui lançaient des bouteilles et des œufs. Près de 900 tracteurs bloquaient certaines parties de Bruxelles, à proximité de la zone bouclée où les ministres de l'UE étaient réunis.

A Madrid, des agriculteurs venus de toute l'Espagne ont fait retentir des sifflets, des cloches de vaches et des tambours pour demander à l'UE de réduire la bureaucratie et de renoncer à certaines modifications de sa politique agricole commune (PAC).

"La nouvelle PAC nous gâche la vie", affirme Juan Pedro Laguna, 46 ans, qui cultive des olives, des céréales et des légumes près de Madrid. "Nous voulons produire comme nous l'avons toujours fait, mais ils ne veulent pas que nous produisions."

En

Pologne

, les manifestants ont bloqué une autoroute à un poste-frontière avec l'Allemagne.

Dans toute l'Europe et depuis des semaines, les agriculteurs protestent contre des contraintes administratives, un excès de normes restreignant par exemple leur accès à l'eau, mais aussi la politique des prix bas pratiqués par les supermarchés, la concurrence jugée déloyale en provenance d'autres pays comme l'Ukraine, et les règles environnementales strictes de l'Union.

A Paris, le président Emmanuel Macron a inauguré samedi le Salon de l'Agriculture sous les huées et les sifflets d'agriculteurs, et devant un important dispositif policier.

"PACTE VERT" AFFAIBLI

Les ministres de l'Agriculture réunis lundi à Bruxelles devraient débattre d'une nouvelle série de propositions de l'UE visant à alléger la pression exercée sur les agriculteurs, notamment en réduisant le nombre d'inspections agricoles et en permettant aux petites exploitations d'être exemptées de certaines normes environnementales.

A cette occasion, le ministre allemand de l'Agriculture, Cem Ozdemir, a déclaré que l'UE devait veiller à ce que les agriculteurs puissent gagner de l'argent s'ils optent pour des mesures en faveur de la biodiversité, et a qualifié la politique agricole actuelle de l'UE de "monstre de bureaucratie".

"L'agriculteur moyen passe un quart de son temps à son bureau", a-t-il déclaré.

En réponse à des semaines de protestations de la part d'agriculteurs en colère, l'Union européenne a déjà affaibli certaines parties de sa politique environnementale dite "Pacte vert".

"Ca ne veut pas dire qu'on ne veut pas faire les transitions (écologiques) mais il y a besoin de tenir compte de la réalité des choses", a déclaré lundi le ministre français de l'Agriculture, Marc Fesneau, à son arrivée à Bruxelles.

Les griefs des agriculteurs en Europe varient et tous ne réclament pas la fin des exigences environnementales communautaires. Pour Morgan Ody, coordinatrice générale de Via Campesina, "c'est une question de revenu".

"Il s'agit du fait que nous sommes pauvres et que nous voulons gagner notre vie de manière décente", a-t-elle déclaré lors de la manifestation à Bruxelles, appelant l'UE à mettre en place des prix plancher "qui couvrent les prix de production pour tous les paysans européens." (Reportage Kate Abnett, Philip Blenkinsop et David Latona; avec Yves Herman, Christian Levaux et Ingrid Melander, version française Gaëlle Sheehan, édité par Blandine Hénault)