par Douwe Miedema et Jonathan Allen

WASHINGTON/NEW YORK, 26 octobre (Reuters) - Le placement automatique en quarantaine de tout personnel de santé revenant d'un des trois pays d'Afrique de l'Ouest les plus affectés par l'épidémie de fièvre Ebola risque d'avoir un effet contre-productif sur la lutte contre la maladie, a déclaré dimanche le directeur de l'Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses.

Jugeant cette mesure "un peu draconienne", Anthony Fauci a déclaré qu'elle risquait de décourager les travailleurs de santé américains à se rendre dans ces pays pour participer à la lutte contre l'épidémie, qui a fait près de 5.000 morts.

L'Etat de New York, le New Jersey et l'Illinois ont tour à tour décrété depuis vendredi le placement en quarantaine pour une période de 21 jours de toute personne qui reviendrait de Guinée, du Liberia et de Sierra Leone avec le risque d'y avoir contracté le virus.

"Je ne veux pas critiquer directement la décision qui a été prise mais nous devons être attentifs à ce qu'il n'y ait pas d'effets indésirables", a déclaré Anthony Fauci lors de l'émission "Meet the Press" sur NBC.

"La meilleure manière d'arrêter cette épidémie, c'est d'aider les gens en Afrique de l'Ouest, ce que nous faisons en envoyant des gens là-bas, pas seulement des Etats-Unis mais d'autres endroits (dans le monde)", a-t-il ajouté.

La mise en quarantaine automatique des personnes à risque a été décidée après l'apparition de la maladie jeudi chez un médecin new-yorkais de retour aux Etats-Unis après avoir soigné des personnes contaminées en Guinée.

Une infirmière revenue vendredi par l'aéroport de Newark, dans le New Jersey, d'une mission en Sierra Leone a vivement critiqué samedi sa mise en quarantaine. Elle a qualifié ses heures d'interrogatoire puis sa mise à l'isolement dans un hôpital de "frénésie de désorganisation".

TOURNURE POLITIQUE

L'organisation Médecins Sans Frontières, pour laquelle travaillaient cette infirmière, Kaci Hickox, et le médecin new-yorkais Craig Spencer, a elle aussi mis en cause la politique de quarantaine mise en place dans les trois Etats.

"Les mesures de quarantaine ou les mesures coercitives contre les travailleurs humanitaires pourraient donner un sentiment superflu de sécurité, alors que le plus important est de s'attaquer à l'épidémie à sa source", a dit Sophie Delaunay, directrice de MSF aux Etats-Unis, lors de "Meet the Press".

Anthony Fauci a rappelé que les personnes ne manifestant aucun symptôme de la fièvre hémorragique ne présentaient aucun risque de contamination.

"La science nous dit que les personnes qui ne sont pas malades, si vous n'avez pas de contact via les fluides corporels, que ces personnes reviennent de n'importe où (...) et si elles se portent bien, elles ne sont un danger pour personne", a-t-il dit.

L'affaire prend une tournure politique puisque le gouverneur du New Jersey, le républicain Chris Christie, est considéré comme un probable candidat à l'investiture républicaine pour l'élection présidentielle de 2016. Il est donc l'un des plus féroces critiques de la gestion par le président démocrate Barack Obama des quatre cas d'Ebola diagnostiqués aux Etats-Unis. Sur ces quatre cas, seul un Libérien arrivé en provenance de son pays est mort au Texas.

Prié de réagir aux propos d'Anthony Fauci, Chris Christie a défendu sur Fox News sa politique de mise en quarantaine des personnels de santé en provenance des pays touchés.

"Je ne crois pas que, lorsque l'on a affaire à quelque chose d'aussi grave, on puisse compter sur un système de volontariat", a-t-il dit. "C'est le travail des autorités (...) de protéger la sécurité et la santé des citoyens." (Bertrand Boucey pour le service français)