Bienne (awp/ats) - L'horlogerie suisse aborde 2020 avec confiance et prudence, après une légère croissance des exportations en valeur cette année. Les sujets d'inquiétude sont nombreux, comme la baisse des volumes et les incertitudes géopolitiques.

Le secteur devrait réaliser des exportations de l'ordre de 21,5 milliards de francs suisses, si décembre se maintient, estime Jean-Daniel Pasche, président de la Fédération de l'industrie horlogère suisse (FH) dans un entretien à Keystone-ATS. Loin du record de 2014, avec 22,2 milliards, mais un exercice de bonne facture, conforme à la prévision formulée il y a un an.

"L'évolution générale ne saurait cacher de grosses différences entre les acteurs", tempère-t-il. "Le très haut de gamme va très bien, alors que l'entrée de gamme va dans l'ensemble plutôt mal". Cette dernière, avec des montres vendues entre 500 et 600 francs suisses, souffre d'une concurrence plus forte, à commencer par celle des montres connectées.

Emplois en péril

Mais pas seulement. Il y a la tendance des "fashion brands", avec des montres bon marché fabriquées en Chine, d'autres produits qui donnent l'heure et la disparition de certains fabricants qui n'ont pas voulu ou pas pu s'adapter au nouveau "swiss made". L'entrée de gamme pèse très négativement sur l'évolution des volumes depuis août 2018.

Après onze mois en 2019, le volume total affichait une contraction de 13,4%, à près de 18,9 millions de pièces. "Qui dit moins de montres écoulées, dit moins de travail et d'activité", s'inquiète Jean-Daniel Pasche. Mais il estime que la tendance n'est pas inéluctable, sachant que les marques continuent d'investir.

Les investissements concernent l'innovation (technique et design), les infrastructures et la formation. "Il y a un avenir", clame le président de la FH à propos de l'entrée de gamme. A l'heure d'aborder 2020, la situation reste favorable, insiste-t-il, même si nombre de sous-traitants tirent un peu la langue depuis quelques mois.

Doute pour Hong Kong

Jean-Daniel Pasche entrevoit positivement l'an prochain, sans en dire davantage. Il faut dire que les sources d'incertitude ne manquent pas. La crise politique à Hong Kong, premier débouché des exportations horlogères, commence à peser. Les expéditions vers l'ancienne colonie britannique ont chuté de 26,7% en novembre.

Il s'agit d'un deuxième mois consécutif de net recul. "Et l'on ne voit pas de sortie de crise en l'état". Les Etats-Unis et la Chine, deuxième et troisième marchés, sont en croissance soutenue. Mais les perspectives sont dépendantes de l'issue de la guerre commerciale à laquelle se livrent les deux grandes puissances.

Sans compter l'élection présidentielle américaine de novembre, qui constitue toujours un facteur perturbant sur la propension à consommer. Les horlogers suisses doivent par ailleurs toujours composer avec un franc fort, la devise jouant plus que jamais son rôle de valeur refuge en ces temps incertains.

Royaume-Uni en verve

En Europe, le Royaume-Uni connaît une solide croissance (+12,1% après onze mois en 2019), pointant au cinquième rang, malgré le Brexit, devant le Japon. Les grands marchés que sont l'Allemagne, la France et l'Italie, classés entre la 7e et la 9e place, sont plutôt en recul, le mouvement de grève dans l'Hexagone n'arrangeant rien.

Concernant l'actualité, le président de la FH dit regretter la décision de la Comco dans le dossier des livraisons de mouvements mécaniques ETA à des clients hors Swatch Group. Les mesures provisionnelles, annoncées jeudi, prévoient la suspension provisoire des livraisons, sauf pour les petites et moyennes entreprises (PME).

La Commission de la concurrence (Comco) prendra une décision finale l'été prochain. D'ici là, beaucoup d'acteurs seront confrontés à une incertitude dans leur planification d'approvisionnement, même si certains bénéficieront d'une bouffée d'oxygène. Sans compter que la situation pourrait alimenter la baisse des volumes à l'exportation.

ats/rp