(Actualisé, heurts à Sébastopol, Poutine)

* Les pro-Kremlin s'emparent d'un autre poste-frontière ukrainien

* Manifestations rivales en Crimée et à Donetsk

* Nouvelle mise en garde américaine

* Le Premier ministre ukrainien cette semaine à Washington

par Alissa de Carbonnel

SIMFEROPOL, Ukraine, 9 mars (Reuters) - Les forces russes ont encore renforcé leur emprise dimanche en Crimée, où les autorités favorables au Kremlin veulent organiser le 16 mars un référendum sur le rattachement de la péninsule à la Russie.

Des heurts ont éclaté à Sébastopol, port d'attache de la flotte russe de la mer Noire, où des militants pro-russes et des cosaques s'en sont pris à des partisans de l'Ukraine.

Les Etats-Unis ont lancé une nouvelle mise en garde à Moscou, affirmant qu'une annexion de la République autonome de Crimée, qui appartient depuis 1954 à l'Ukraine, rendrait impossible toute solution diplomatique à la crise.

A la suite de l'éviction de l'ex-président ukrainien Viktor Ianoukovitch le 22 février, soldats russes et miliciens pro-Kremlin ont pris le contrôle de la péninsule criméenne, peuplée majoritairement de russophones.

Dans la nuit de samedi à dimanche, les troupes russes ont cerné un nouveau poste ukrainien dans l'ouest de la Crimée, bloquant une trentaine de gardes-frontières à l'intérieur.

Un porte-parole des gardes-frontières a précisé que l'armée russe avait encerclé la base de Tchernomorskoïe vers 06h00 du matin (04h00 GMT). Il a ajouté que la Russie contrôlait désormais onze postes-frontières de la République autonome de Crimée.

A Sébastopol, près de la statue du grand poète ukrainien Taras Chevtchenko, né il y a juste 200 ans, des partisans du gouvernement de Kiev ont été attaqués dimanche par des militants pro-russes et des cosaques. La police a dû intervenir pour séparer les deux groupes.

Des rassemblements rivaux ont également eu lieu à Simféropol, la capitale régionale. Environ 300 partisans des nouvelles autorités de Kiev ont agité des drapeaux aux couleurs de l'Ukraine, le bleu et le jaune. Ils ont entonné l'hymne national ukrainien, sous les bénédictions d'un prêtre orthodoxe.

MANIFESTATIONS À SÉBASTOPOL, SIMFÉROPOL ET DONETSK

Plus loin, 2.000 manifestants pro-russes ont applaudi de vieux chants de l'époque soviétique. "Nous avons toujours été russes, pas ukrainiens. Nous sommes avec Poutine", déclarait Alexandre Liganov, un chômeur de 25 ans.

Le président Vladimir Poutine a déclaré la semaine passée que la Russie avait le droit d'intervenir en Ukraine pour protéger ses ressortissants et le Parlement russe a voté une loi facilitant l'annexion de territoires peuplés par des russophones.

Dimanche, lors d'entretiens téléphoniques avec la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre britannique David Cameron, Vladimir Poutine a défendu le référendum prévu le 16 mars en Crimée. (voir )

La dirigeante allemande lui a affirmé que cette initiative était contraire au droit international et à la Constitution de l'Ukraine.

A Washington, un responsable de la sécurité nationale, Tony Blinken, a déclaré que les Etats-Unis ne reconnaîtrait pas une annexion de la Crimée par la Russie.

Lors d'un rassemblement à Donetsk, dans l'est de l'Ukraine où vivent de nombreux russophones, l'ancien champion de boxe Vitali Klitschko, candidat à la présidentielle ukrainienne du 25 mai, a plaidé pour l'unité du pays. "Notre premier devoir, c'est de préserver la stabilité et l'indépendance de notre pays", a-t-il dit.

Cette crise est la plus grave depuis la Guerre froide entre la Russie et les Occidentaux qui soutiennent les nouvelles autorités ukrainiennes.

Pour Washington, toute initiative de Moscou en vue d'annexer la Crimée mettrait fin aux efforts diplomatiques.

WASHINGTON APPELLE MOSCOU À LA "PLUS GRANDE RETENUE"

Lors d'un entretien téléphonique samedi avec le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, le quatrième en quatre jours, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a invité la Russie à "la plus grande retenue", a dit un responsable du département d'Etat.

Quelques heures auparavant, le ministre des Affaires étrangères ukrainien par intérim, Andri Dechtchitsia, avait assuré que Kiev ne renoncerait jamais à la Crimée.

Le Premier ministre pro-russe de Crimée, Sergueï Axionov, a répliqué en affirmant que "personne" ne pourrait empêcher le référendum du 16 mars.

A Kiev, le ministre ukrainien de la Défense, Ihor Tenioukh, a affirmé dimanche que son pays n'avait aucune intention d'envoyer des soldats en Crimée. "Nous ne prévoyons aucun mouvement, aucun départ de troupes pour la Crimée, il y a seulement en ce moment des entraînements habituels, la routine", a-t-il dit à l'agence de presse Interfax.

Le nouveau Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk va se rendre cette semaine à Washington, a confirmé la Maison blanche. "Je vais me rendre aux Etats-Unis pour avoir des entretiens sur les moyens de régler la situation", avait auparavant annoncé Iatseniouk à Kiev.

Sur fond de sanctions occidentales et de menaces de rétorsion du Kremlin, le groupe gazier russe devrait augmenter le prix de ses fournitures à l'Ukraine, à 368,5 dollars les 1.000 mètres cubes, selon le ministère ukrainien de l'Energie.

Moscou avait accepté en décembre de baisser ses tarifs pour l'Ukraine, à 268,50 dollars les 1.000 mètres cubes, alors que Viktor Ianoukovitch venait de tourner le dos à un accord d'association avec l'Union européenne. (Avec Natalia Zinets à Kiev, Guy Kerivel pour le service français)