"Croire que les Eurobonds résoudront la crise actuelle est une illusion", dit ce membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne dans une interview publiée vendredi par Le Monde. "Ce ne peut être que l'aboutissement d'un processus long, qui nécessite entre autres de changer la Constitution dans plusieurs Etats, de modifier les traités, d'avoir davantage d'union budgétaire."

"On ne confie pas sa carte de crédit à quelqu'un si on n'a pas la possibilité de contrôler ses dépenses", ajoute-t-il.

François Hollande plaide pour une mutualisation de la dette par le biais d'euro-obligations, mais il s'oppose à un net refus de la chancelière allemande Angela Merkel.

Pour le président de la Bundesbank, "une communautarisation de dettes n'est pas l'outil adapté pour favoriser la croissance : cela poserait des problèmes tant légaux qu'économiques. Je ne crois pas qu'on aura du succès en essayant de résoudre la crise de la dette avec encore plus de dette en dehors des budgets réguliers."

La croissance "passe par des réformes structurelles", insiste-t-il en se disant "irrité" par l'apparition d'"idées géniales qui surgissent pour contrer la crise", comme les euro-projets défendus également par le nouveau président français.

Dans l'esprit de François Hollande, l'Union européenne émettrait ainsi des euro-obligations pour financer des grands projets d'infrastructure, cette idée faisant d'ailleurs consensus au sein des Vingt-sept.

ARRÊT DE L'AIDE À LA GRÈCE ?

"Outre les problèmes de financement, je ne suis pas sûr que ce soit avant tout un manque d'infrastructures qui freine la croissance dans ces pays. Je n'ai pas encore vu d'analyse sérieuse à ce sujet", tranche Jens Weidmann.

Le président de la Bundesbank estime également que la gestion de la crise grecque influencera "fondamentalement l'avenir de l'union économique et monétaire" et n'exclut pas un arrêt des aides internationales si le pays ne respecte pas ses engagements.

"Nous allons voir si les accords sur lesquels repose la solidarité des autres pays sont respectés. Le cas échéant, l'aide devrait être arrêtée. Sinon, les accords n'auraient plus de crédibilité, car nous ferions alors des transferts non conditionnés", dit-il.

Jens Weidmann, qui n'a jamais caché son opposition au programme de prêts de la BCE aux banques, réitère ses critiques dans l'interview.

"Ces prêts ont permis de gagner du temps, mais ne résolvent pas les causes structurelles de la crise. C'est comme de la morphine : ils soulagent la douleur, mais ne guérissent pas la maladie. Ils peuvent même avoir des effets secondaires, comme retarder les ajustements par exemple du secteur bancaire."

Il est donc très réticent face à la revendication de François Hollande d'obtenir de la BCE une politique plus active en faveur de la croissance économique, le mandat de l'institut de Francfort étant la stabilité des prix.

"Le mandat est profondément enraciné et découle des leçons tirées dans les années 1970 et 1980. C'est quand elle assure la stabilité des prix qu'une banque centrale contribue le plus à une croissance durable", dit-il.

"Depuis le début de la crise financière (...) l'institution a pris des risques considérables pour éviter un effondrement du système. Nous sommes arrivés à la limite de notre mandat, notamment avec des mesures non conventionnelles. A la fin ce sont des risques pour les contribuables, notamment en France et en Allemagne", explique-t-il.

Yves Clarisse, édité par Gilles Trequesser