Ce n’est cependant pas pour dénigrer les cryptos que nous nous sommes entretenus au début de l’été, mais pour rappeler un point essentiel, qui plus est au vu de l’engouement qui les entoure (1 français sur 10 détiendrait en effet des cryptos, selon une étude d’ADAM et KPMG en 2023) : les cryptos ne sont pas couvertes par le FGDR. Comprenez par là qu’il n’y a aucun mécanisme d’indemnisation en cas de faillite de votre établissement.

Mais d’abord, c’est quoi le FGDR ?

Nous vous en parlions un peu plus tôt cette année, le FGDR est l’organisme chargé de protéger les avoirs des Français, et de les indemniser en cas de défaillance de leur établissement teneur de compte. La première garantie assurée par le FGDR est ainsi celle des dépôts : en cas de faillite de votre établissement bancaire, le FGDR vous rembourse les sommes déposées sur vos comptes, livrets et plans d’épargnes devenues inaccessibles. La garantie n’est cependant pas illimitée, quoi que conséquente : les dépôts sont couverts à hauteur de 100 000€ par personne et par établissement. En parallèle de cette garantie des dépôts, le FGDR assure la garantie des titres, jusqu’à 70 000€ par client et par établissement, en cas d’impossibilité de récupérer vos titres ou d’en obtenir le remboursement. 
La grande force du FGDR est que cette garantie se met en route automatiquement, sur la base des livres clients de l’établissement défaillant, et que l’indemnisation se fait en seulement 7 jours pour les dépôts (3 mois pour les titres), sans aucune autre démarche pour les clients que d’indiquer au FGDR le compte bancaire sur lequel verser l’indemnisation

Ce n'est pas l'objet de cet article mais si vous vous interrogez sur le fonctionnement et l'intérêt de garantir les banques, n'hésitez pas à visionner cette vidéo explicative de notre expert, Xavier Delmas : 

 

Pas de couverture des cryptos, faute de régulation suffisante

Alors pourquoi les cryptos ne sont-elles pas couvertes ? Parce que les cryptos ne sont pas des dépôts au sens du FGDR, qui ne couvre que l’euro et les devises officielles de l’Espace Economique Européen. Ni des titres, puisqu’ils ne sont pas reconnus comme tels par le Code monétaire et financier. Simple. Basique. Vous pouvez reprendre le cours normal de vos activités, merci. 

Mais poussons un peu plus loin le questionnement : qu’est-ce qui empêche le FGDR de revoir son fonctionnement pour couvrir les cryptos ? Après tout, il assure bien, en parallèle des deux garanties dépôts et titres, la garantie des cautions réglementées (pour le compte de l’Etat, certes) et assurera d’ici la fin de l’année la garantie des sociétés de gestion. Réponse immédiate de mon interlocuteur : le FGDR ne couvre que les organismes régulés ! 

D’accord. Mais alors on pourrait envisager de ne couvrir que les PSAN (acronyme de prestataires de services sur actifs numériques, pour les non-initiés), c’est-à-dire les prestataires enregistrés auprès de l’AMF pour fournir des services sur cryptos. D’autant plus que l’AMF a renforcé sa doctrine cet été, avec application au 1er janvier, en supprimant l’enregistrement simple, au profit du seul enregistrement renforcé. Voire aux seuls PSAN agréés par l’AMF, c’est-à-dire, ceux des PSAN enregistrés dont le siège est en France et qui ont fait le choix de se soumettre à une régulation plus contraignante. Ce qui permettrait de réduire la liste de 87 établissements éligibles à… un.

Mais en réalité, tous les agréments ne se valent pas. En guise de preuve, Thierry Dissaux cite l’exemple des néo-banques, type Qonto ou Revolut : bien qu’agréés par l’ACPR, ces établissements ne sont pas des banques ou des entreprises d’investissement mais des établissements de paiement. La différence ? En tant que tels, ils ne sont pas soumis à une quelconque réglementation prudentielle, c’est-à-dire l’obligation d’avoir des capitaux suffisants pour parer à leurs problèmes et ceux de leurs clients. Alors certes, ils sont régulés, mais insuffisamment : ils ne font pas l’objet d’un suivi permanent de leurs activités. Et ne sont donc pas couverts par le FGDR.

Le président du directoire du FGDR me l’affirme très clairement : il y a un lien originel entre une régulation forte et la couverture par une garantie, l’un ne va pas sans l’autre et le FGDR ne couvre que les prestataires ayant montré qu’on pouvait leur faire confiance. Ce qu’on pourrait résumer en une formule pour le moins paradoxale :  pour accéder à la garantie du FGDR, il faut prouver qu’on est suffisamment solide pour ne pas en avoir besoin. L’équivalent bancaire du « pas de bras, pas de chocolat » en somme !

Vous avez dit confiance ?

Quand je taquine mon interlocuteur sur le caractère discutable des preuves de confiance émanant des banques en 2008 ou, plus récemment, au début de l’année, il ne se laisse pas démonter et me fait même remarquer que mon propos est caricatural dans la mesure où les banques françaises n’ont pas été touchées, pas plus en 2023 qu’en 2008. C’est cependant oublier un peu vite la longue descente aux enfers de Dexia depuis la crise des subprimes ou le combo crise financière – affaire Kerviel qui a secoué la société Générale en janvier 2008. Le raisonnement de Thierry Dissaux tient sur la faiblesse de la réglementation américaine des banques et son approche résolument différente de la réglementation européenne : là où la première se concentre sur la résolution du conflit, la seconde fait tout pour éviter que le conflit ne survienne. Je lui accorde un demi-point ici : les aides prodiguées à coup de milliards par les différents gouvernements européens en 2008 avaient bien pour objectif d’éviter la faillite des banques. Banques qui ne se seraient cependant pas retrouvées dans cette situation si elles avaient été plus vigilantes. Mais il est vrai que l’écosystème réglementaire a considérablement évolué, dans le sens d’une plus grande contrainte et d’exigences prudentielles plus conséquentes, en réaction à la crise de 2008. Et que, effectivement, aucune banque française n’a été ne serait-ce qu’impactée par le mini séisme bancaire du printemps 2023, qui a tout de même coulé le Crédit Suisse (qui prenait l’eau de toutes parts depuis trop longtemps déjà).

Bref : les cryptos ne rentrent pas dans le cadre actuel de garantie du FGDR et ne sont pas appelées à y rentrer prochainement, en raison de l’immaturité de ces marchés, encore trop peu régulés. De toute façon, ce n’est pas le FGDR qui décide : son champ de compétences est déterminé conjointement avec Bercy et l’ACPR, sur la base de la réglementation française comme européenne. 

Le règlement MiCA, porte d'accès à une future protection pour les prestataires crypto ?

Il n’est pas exclu que la situation évolue avec le règlement MiCA, qui entrera en vigueur en juin 2024 et qui introduit le statut nouveau de prestataire de services sur crypto-actifs (PSCA), grandement calqué sur celui de prestataire de services d’investissement (PSI).

Alors en effet que les Etats Unis combattent les cryptos par le biais de leur bras armé qu’est la SEC (on pense notamment à la bataille juridique en cours avec Grayscale), l’Union Européenne semble avoir, pour une fois, fait le choix de se montrer accueillante : en offrant un cadre et des contraintes à l’environnement crypto, l’UE consacre en réalité son existence et le pérennise. 
Ainsi, à partir de 2024, les PSAN devront progressivement obtenir un agrément pour continuer leurs activités, ce qui supposera le contrôle approfondi d’un certain nombre d’exigences, au titre desquelles on trouve les traditionnelles obligations d’agir de manière honnête, loyale et professionnelle, au mieux des intérêts des clients, ou de gérer les conflits d’intérêts, mais également des exigences prudentielles particulièrement contraignantes. En contrepartie, les PSCA pourront se prévaloir du passeport européen pour exercer leurs activités dans toute l’Union Européenne. Adieu la liberté fantasmée à l’origine des cryptos, bonjour le marché européen et ses millions d’investisseurs potentiels.

La prochaine étape sera-t-elle l’adhésion des PSCA au FGDR et mécanismes européens équivalents ? Cela semble la suite logique des choses.