par Terril Yue Jones

Stimulés par des bénéfices record et des réserves croissantes de capitaux, les géants étatiques tels qu'Industrial and Commercial Bank of China (ICBC) et Bank of China s'étendent au-delà des frontières chinoises par le biais d'acquisitions et de partenariats, ce que des analystes qualifient d'aventures inutiles et risquées.

ICBC, première banque en Chine et dans le monde par sa capitalisation boursière, a annoncé la semaine dernière avoir obtenu l'autorisation d'ouvrir une succursale à Bombay, devenant ainsi la première banque de Chine populaire à pénétrer le marché indien.

Cette opération succède au rachat en janvier de 80% des activités de Bank of East Asia aux Etats-Unis, et au rachat en 2008 de 20% de Standard Bank Group, la plus grande banque d'Afrique, pour 5,6 milliards de dollars.

ICBC a en outre ouvert cinq agences en Europe depuis le début de l'année et a entamé des démarches pour en ouvrir une au Pérou. En avril, son président Jiang Jianqing a annoncé que le groupe comptait réaliser 10% de ses bénéfices à l'étranger d'ici 2016, contre 4% aujourd'hui.

Bank of China détient quant à elle 711 agences à l'étranger, la plus récente ayant été ouverte ce mois-ci au Cambodge. Dans d'autres pays où elle n'a pas de succursale en propre - à Oman, au Ghana, au Pérou et aux Emirats arabes unis - elle a installé des guichets dans des agences bancaires locales.

OBSTACLES

En se développant à l'étranger, les banques chinoises cherchent à satisfaire leurs clients expatriés mais aussi à prendre part à la valse des fusions et acquisitions internationales et à proposer des instruments financiers en yuan.

Mais d'après des analystes, c'est là une distraction coûteuse alors que leurs ressources pourraient être mieux exploitées au service d'un marché national en plein essor.

Le retour sur investissement d'ICBC en Chine est ainsi d'environ 22%, alors qu'il plafonne autour de 14% dans ses opérations extérieures, d'après Barclays Capital.

Les banques chinoises ont "un marché fantastique qui est énorme, inexploité, sous-pénétré", estime Charles-Everard de T'Serclaes, de J.P. Morgan. "Elles peuvent continuer à créer de la valeur pour leurs actionnaires pour les 10-20 prochaines années sans rien faire de particulier."

Pour les banques chinoises, "il y a une dimension de prestige au fait d'avoir des agences à Londres et à New York", explique Michael Pettis, professeur de finance à l'université de Pékin. Mais face aux banques américaines et européennes, sophistiquées et solidement ancrées, "il leur sera difficile, pendant un moment, d'être compétitives, sauf en termes de prix - en proposant des prêts à des taux d'intérêt très faibles".

Les incursions des banques chinoises à l'étranger sont par ailleurs étroitement surveillées, étant souvent perçues comme des attaques politiques.

China Minsheng Bank, par exemple, a racheté 10% de la banque de San Francisco UCBH pour 96 millions de dollars en 2007, mais s'est heurtée au refus des autorités de régulation quand elle a souhaité accroître sa participation au-delà de 50%.

"En particulier pour les banques, quand il s'agit de faire des acquisitions aux Etats-Unis, il y a beaucoup d'obstacles politiques et de réglementation", explique May Yan, analyste chez Barclays. "C'est pourquoi elles sont plus actives en ce moment sur les marchés émergents."

Natalie Huet pour le service français, édité par Dominique Rodriguez