* Un projet avec un champ d'application restreint

* Le registre national des crédits devrait attendre

* Les délais de paiement abusifs sanctionnés

PARIS, 30 avril (Reuters) - Envisagée de longue date, l'action de groupe, qui permet à des consommateurs de se défendre collectivement en justice, devrait bientôt voir le jour en France mais avec un champ bien plus limité que les "class actions" américaines.

Cette action de groupe, dans laquelle Benoît Hamon, le ministre chargé de porter le projet, voit une "arme de dissuasion massive" pour empêcher les entreprises de tricher, sera l'un des piliers du projet de loi sur la consommation présenté jeudi en conseil des ministres.

Autre nouveauté prévue à l'origine dans le texte, le registre national du crédit aux particuliers devra sans doute attendre pour se concrétiser. Le gouvernement a décidé de prendre son temps pour border juridiquement ce projet sensible qui a suscité des réserves, notamment de la part de la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés).

Lui aussi dans les tiroirs depuis de nombreuses années, ce fichier qui recenserait les crédits souscrits par les Français est présenté comme un outil de lutte contre le surendettement car les établissements financiers auront obligation de le consulter avant toute opération de prêt à un particulier.

Les gouvernements de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy avaient réfléchi en leur temps à la possibilité de mettre en place des "class actions" à la française, sans y donner suite.

Les contours du texte présenté jeudi sont déjà connus, ayant fait l'objet d'une large concertation entre tous les acteurs au sein du Conseil national de la consommation (CNC).

Concrètement, une procédure collective ne pourra être engagée que par l'une des 16 associations de consommateurs agréées au plan national et "ne pourra réparer que les préjudices d'ordre matériel, issus de la violation par l'entreprise d'une obligation légale ou contractuelle", a expliqué récemment Benoît Hamon.

REDONNER DU POUVOIR D'ACHAT

Elle sera limitée aux affaires de consommation et de concurrence et ne s'appliquera donc pas, comme c'est le cas aux Etats-Unis, à la santé et à l'environnement, même si le gouvernement n'exclut pas d'en élargir le champ ultérieurement.

Les entreprises incriminées seraient passibles, selon le projet de loi, d'amendes allant jusqu'à 300.000 euros et 10% de leur chiffre d'affaires.

"L'objectif n'est pas tant de multiplier les recours en justice que d'empêcher les entreprises de tricher : ce sera une arme de dissuasion massive. Et, in fine, cela devrait permettre de redonner du pouvoir d'achat aux Français", a déclaré Benoît Hamon dans une interview récente au magazine l'Expansion.

Le ministre a dit souhaiter "une procédure rapide", mais elle pourrait néanmoins prendre du temps pour les pratiques anti-concurrentielles, contre lesquelles les consommateurs devront attendre les décisions définitives de l'Autorité de la concurrence avant d'intenter une action.

Même avec un champ d'application restreint, le monde des affaires s'inquiète de la mise en place de cette nouvelle procédure.

L'Association française des entreprises privées (l'Afep) a ainsi adressé ce mois-ci un courrier à l'Elysée en faisant valoir que "le contexte de crise justifierait pleinement un report d'une mesure pénalisante pour les entreprises".

Le projet de loi sur la consommation prévoit d'autres dispositions critiquées par le monde des affaires comme la possibilité de résilier à tout moment un contrat d'assurance au bout d'un an sans pénalités ou encore un doublement du délai de rétractation, à deux semaines, pour les achats en ligne.

Il donnera en outre à l'Etat les moyens de sanctionner directement les entreprises qui ne respectent pas les délais de paiement, alors que les litiges en la matière se réglaient jusqu'ici uniquement en justice.

Le texte traduit sur ce point l'engagement du pacte de compétitivité de l'automne dernier de lutter contre l'allongement des délais de paiement, un facteur récurrent qui pèse sur la trésorerie des PME et entreprises de taille intermédiaire. (Yann Le Guernigou, édité par Yves Clarisse)