par Jason Subler et Lu Jianxin

Plusieurs grandes banques publiques chinoises sont intervenues sur le marché au lendemain de la plus forte hausse enregistrée par le yuan depuis la réévaluation de 2005, ce qui incite à conclure que Pékin ne laissera sa monnaie s'apprécier qu'à un rythme bien plus lent que celui réclamé par les détracteurs occidentaux de sa politique des changes.

Les fluctuations de la devise chinoise ces deux derniers jours restent modestes en comparaison de celles de devises flottant totalement librement mais elles sont sans précédent en République populaire.

L'annonce inattendue, samedi, d'un assouplissement du régime des changes chinois est évidemment à replacer dans les préparatifs de la réunion du G20 ce week-end à Toronto, au Canada, durant laquelle plusieurs partenaires critiques de Pékin s'apprêtaient à plaider pour une flexibilité accrue.

La réforme du régime de change doit rester progressive et maîtrisable, a toutefois déclaré mardi un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

Pour Brian Jackson, stratège de RBC Banque royale à Hong Kong, "la Chine a conforté ses paroles par des actes et le président Hu (Jintao) arrivera à Toronto en fin de semaine avec des preuves tangibles du sérieux de la Chine pour ce qui est d'augmenter la flexibilité de son taux de change".

"On pourrait continuer d'observer des mouvements à la hausse comme à la baisse au fil des jours mais nous pensons que la tendance des semaines et des mois à venir sera à une hausse limitée mais significative du yuan face au dollar."

Le yuan s'est apprécié de plus de 0,4% lundi face au billet vert, sa plus forte hausse depuis la réévaluation de juillet 2005, s'approchant de la limite de 0,5% de variation par rapport au cours de référence fixé quotidiennement par la banque centrale.

LA CHINE SERA JUGÉE SUR PIÈCES

Mardi, cette dernière a fixé ce cours de référence pratiquement au niveau de la clôture de lundi, ce qui laissait en théorie ouverte la possibilité d'une nouvelle hausse supplémentaire de 0,5%.

La devise a immédiatement inscrit un nouveau plus haut de cinq ans avant de s'orienter à la baisse. Parallèlement, des banques publiques ont massivement acheté des dollars sur le marché, ce qui suggère que les autorités veillent à garder la maîtrise du rythme de l'appréciation du yuan.

Dans ces communiqués du week-end sur la réforme du régime de change, la Banque populaire de Chine n'a d'ailleurs pas fait mystère de son intention de ne pas laisser la monnaie monter trop vite.

Des doutes sur la réalité et la rapidité de cette appréciation étaient d'ailleurs déjà perceptibles à Wall Street lundi, où les grands indices ont fini en baisse après avoir passé la majeure partie de la séance dans le vert.

Les matières premières, elles aussi favorisées initialement lundi, ont cédé une partie de leurs gains, tout comme les devises liées aux "commodities", telles que les dollars canadien et australien.

La Bourse de Tokyo a fini en repli de 1,22% et en Europe, les marchés ont ouvert dans le rouge.

Pour nombre d'économistes, le yuan devrait continuer de monter au cours des prochains jours mais très lentement.

Selon une enquête menée par Reuters auprès de 33 économistes, la devise chinoise devrait finir l'année à 6,67 pour un dollar, ce qui correspondrait à une hausse de 2,4% par rapport à son niveau de la fin de la semaine dernière.

Pour les dirigeants chinois qui participeront aux débats du G20, la difficulté sera de convaincre qu'au-delà de l'effet d'annonce, Pékin a bel et bien adopté une politique plus flexible.

"Nous y voyons évidemment un encouragement mais nous surveillerons les progrès", a déclaré à Washington Bill Burton, porte-parole de la Maison blanche. "La mise en oeuvre sera décisive dans ce dossier, donc nous allons tout simplement garder un oeil là-dessus."

"Nous jugerons sur pièces", a dit de son côté le Premier ministre canadien Stephen Harper, dans un entretien à Reuters.

Avec Koh Gui Qing et Karen Yeung, Marc Angrand pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat