Richard Barley,

The Wall Street Journal

LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Les marchés obligataires sont enfin sortis de leur torpeur. Le rendement de l'emprunt du Trésor américain à dix ans a atteint un point haut depuis avril 2014, tandis que son équivalent allemand évolue à un niveau qui n'avait plus été observé depuis octobre 2015. Ces envolées, qui risquent d'inquiéter certains investisseurs, s'apparentent surtout à une prise de conscience tardive de l'amélioration de l'économie mondiale.

Le fait qu'un taux de 2,71% pour l'emprunt du Trésor à dix ans inquiète le marché est surtout révélateur du niveau inhabituellement bas auquel les taux évoluaient depuis des années. Il paraît tout aussi étrange que les obligations n'aient quasiment pas réagi en 2017 à l'accélération de la croissance. C'est pourtant cette expansion qui a permis aux banques centrales d'exprimer une confiance grandissante, tout au long de l'année, dans une remontée progressive de l'inflation vers leurs objectifs, et d'envisager en conséquence une réduction de leurs programmes d'assouplissement monétaire. Il semblerait que le marché obligataire ne reçoive le message que maintenant.

La perception générale reste que la Réserve fédérale, la Banque centrale européenne et la Banque du Japon réagissent à l'optimisme concernant la croissance, et non aux inquiétudes concernant l'inflation, de sorte que les politiques monétaires peuvent évoluer assez lentement. Les anticipations d'inflation se sont légèrement redressées mais restent assez faibles : le point mort d'inflation à dix ans a franchi le seuil de 2% pour les emprunts du Trésor américain, mais se révèle plus proche, sur le long terme, de 2,5%. Il est frappant de constater que la prime de terme calculée par la Réserve fédérale de New York - soit la prime exigée par les investisseurs en contrepartie du risque lié à la détention de titres à échéance longue - reste négative.

La progression des taux finira tôt ou tard par devenir problématique, mais il reste de la marge. Selon les stratégistes d'UBS, la valorisation des actions américaines peut supporter que le taux des emprunts à dix ans se dirige vers 3%. Deutsche Bank juge pour sa part que ce taux ne commencerait à peser sur la croissance et les actions qu'aux alentours de 3,5%. Les taux d'intérêt réels restent bas.

Il reste toutefois une ombre au tableau : la faiblesse des taux avait entraîné une nette diminution de la volatilité, qui regagne maintenant de la vigueur sur les marchés obligataires, les marchés d'actions et les marchés des changes. S'il reste judicieux de miser plutôt sur des actifs risqués, comme les actions, il faut désormais s'attendre à des remous.

-Richard Barley, The Wall Street Journal

(Version française Emilie Palvadeau) ed: VLV