par Simon Rabinovitch et Zhou Xin

Une semaine avant le sommet du G20, les autorités chinoises ont annoncé samedi que le taux de change du yuan serait progressivement assoupli, ouvrant la voie à un abandon du lien entre leur monnaie et le dollar américain en vigueur depuis 2008 et régulièrement accusé de fausser les règles du commerce mondial.

Mais dans un long communiqué détaillant la mise en oeuvre de la réforme, la banque centrale exclut explicitement une réévaluation immédiate du yuan. Elle souligne également à plusieurs reprises que rien ne justifie une importante réévaluation et ajoute que la devise n'est pas très éloignée de son niveau pertinent.

L'absence de véritable appréciation du yuan fournirait des arguments supplémentaires à tous ceux qui, notamment au Congrès américain, attendent désormais des actes de la Chine et qui plaident pour des sanctions si Pékin maintenait son taux de change à un niveau qu'ils jugent artificiellement bas.

Les dirigeants des Etats-Unis, de l'Union européenne, du Japon et du Fonds monétaire international, entre autres, ont salué l'annonce de la réforme comme une contribution encourageante à l'équilibrage de l'économie mondiale.

"Compte-tenu du rôle important de la Chine dans l'économie mondiale, nous encourageons les autorités à permettre une plus grande flexibilité du taux de change effectif du RMB (renminbi) comme un moyen de promouvoir une croissance équilibrée en Chine et dans l'économie mondiale", déclarent la Banque centrale européenne et le président de l'Eurogroupe Jean-Claude Juncker, dans un communiqué commun diffusé dimanche.

LES MARCHÉS DEVRAIENT SALUER LA DÉCISION

Tous les yeux seront tournés lundi vers le taux de référence quotidien fixé par la banque centrale pour encadrer la valeur de la monnaie. Les analystes estiment que la banque centrale devrait faire évoluer le taux de change de manière progressive et non par à-coups.

A leur ouverture, les Bourses vont vraisemblablement saluer la nouvelle qui intervient à quelques jours du sommet du G20 au Canada et dissipe les craintes d'un différend commercial entre les Etats-Unis et la Chine à un moment délicat pour l'économie mondiale.

La Banque centrale s'est engagée à appliquer une "gestion et des ajustements dynamiques" ce qui signifie que le yuan pourrait tout à fait baisser, et pas seulement augmenter, face au dollar en fonction de la performance des différentes devises.

Mais l'essentiel du régime de change devrait rester identique à ce qu'il était auparavant, ce qui implique que la monnaie chinoise va probablement revenir à une appréciation très progressive face au dollar comme au cours des trois années qui ont précédé la mi-2008 et l'arrimage du yuan au dollar.

Les économistes chinois soulignent que cette réforme est justifiée d'un point de vue économique et qu'elle sert surtout un objectif politique.

"Cette importante déclaration du gouvernement chinois qui arrive avant le sommet du G20 est une grosse concession pour empêcher que le taux de change du yuan soit politisé par les pays occidentaux", commente Gao Shanwen, économiste en chef à Essence Securities.

SURPRISE ET CONTROVERSE

Les marchés s'attendaient depuis longtemps à ce que la Chine abandonne l'indexation de sa monnaie sur le dollar mais le calendrier de l'annonce constitue cependant une surprise. Vendredi, de hauts-responsables avaient souligné que la Chine ne se laisserait pas dicter sa politique monétaire.

L'annonce a fait des vagues dans le monde mais pas à l'intérieur du pays, où les principaux journaux du dimanche se sont contentés de reproduire la déclaration de la banque centrale sans commentaire.

Pékin faisait face à des pressions croissantes pour réformer sa politique de change alors que ses exportations ont fortement rebondi.

Le sénateur américain Charles Schumer, l'un des plus vifs détracteurs du régime actuel du yuan, a toutefois jugé la décision des autorités chinoises "vague et limitée".

Le secrétaire d'Etat au Trésor, Timothy Geithner, qui a retardé la publication d'un rapport potentiellement embarrassant parce que susceptible de déclarer la Chine comme faisant partie des pays manipulant leur devise, a souligné de son côté que les actions de la Chine doivent parler plus que ses mots.

"C'est une mesure importante, mais le test sera de savoir jusqu'où et à quel rythme ils vont laisser s'apprécier la devise", a-t-il déclaré.

Avec Ben Blanchard, Olivier Guillemain, Danielle Rouquié et Gwénaëlle Barzic pour le service français, édité par Jean-Philippe Lefief