STRASBOURG, 27 janvier (Reuters) - L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est déclarée préoccupée mercredi par la prolongation de l'état d'urgence en France, relayant les alertes déjà lancées par le commissaire aux droits de l'Homme et le secrétaire général de l'organisation.

"Il y a un risque que le système démocratique de poids et de contrepoids soit sapé par ces mesures. Lorsque vous retirez un certain pouvoir au judiciaire et que vous le placez entre les mains de l'exécutif, vous fragilisez ce système", avait dit le commissaire aux droits de l'homme, Nils Muiznieks, dans une interview diffusée le 12 janvier par France Culture.

Le secrétaire général du Conseil de l'Europe, Thorbjorn Jagland, a adressé vendredi un courrier à François Hollande pour dire sa "préoccupation" à l'égard d'une prolongation de l'état d'urgence annoncée le jour même par le chef de l'Etat français.

"L'Assemblée se fait l'écho des préoccupations exprimées par le commissaire aux droits de l'Homme lorsque la France a décidé, en novembre 2015, de déclarer l'état d'urgence et de le prolonger", dit une résolution adoptée à Strasbourg.

Le texte, intitulé "Combattre le terrorisme international tout en protégeant les normes et les valeurs du Conseil de l'Europe", appelle les Etats membres à trouver "un juste équilibre pour, d'un côté, défendre la liberté et la sécurité, de l'autre, éviter ce faisant de violer ces mêmes droits".

Le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, Harlem Désir, qui était invité à s'exprimer devant les élus des 47 Etats membres de l'organisation de Strasbourg, a affirmé que la France respectait ce principe.

"L'état d'urgence permet d'agir fortement et rapidement, mais la justice a toujours le dernier mot", a-t-il dit en rappelant le contrôles exercé tant par le Parlement que par le juge administratif sur les pouvoirs élargis dont jouit l'autorité administrative.

L'Assemblée européenne a néanmoins demandé à la Commission de Venise, organe consultatif du Conseil de l'Europe qui fait référence en matière de droit constitutionnel, de rendre un avis sur le projet français de réforme constitutionnelle.

Cette initiative de François Hollande, qui fait polémique, intégrerait notamment l'état d'urgence dans la Constitution.

L'amendement en faveur d'un contrôle du texte par les juristes européens était présenté, au nom de la commission des questions juridiques, par Pierre-Yves Le Borgn', député socialiste français et opposant au projet de loi. (Gilbert Reilhac, édité par Yves Clarisse)