par Julien Ponthus et Juliette Rouillon

Selon les données de Thomson Reuters, les opérations de M&A impliquant au moins une entreprise française en 2010 se sont élevées à 156.1 milliards de dollars, soit près de 40% de plus qu'en 2009.

L'activité a donc bien repris depuis la crise financière de 2008 mais elle reste encore environ deux fois moindre qu'au pic de la bulle spéculative en 2006.

Le secteur du private equity a fait un retour en force avec des opérations de taille comme la vente de Picard Surgelés et les grands groupes français ont procédé à des opérations majeures en termes d'acquisitions ou de cessions.

On peut ainsi citer l'offre de 18,5 milliards de dollars lancée par Sanofi-Aventis sur Genzyme, l'acquisition d'International Power par GDF Suez, les cessions d'EDF en Grande-Bretagne ou en Allemagne ou encore, tout récemment, le rachat par Atos Origin de la division de services informatiques de l'allemand Siemens.

"En supposant un environnement macro et un marché en 2011 globalement en ligne avec celui qui a prévalu en 2010, nous anticipons une poursuite de la reprise du M&A avec de grandes opérations industrielles qui continueront à se faire", juge Thierry d'Argent qui dirige l'activité fusion-acquisition de la Société générale.

"Il y a beaucoup de frustration accumulée chez les dirigeants d'entreprises", indique un avocat d'affaires dont certains clients entendent lancer des acquisitions après avoir dû ronger leur frein pendant la crise.

IPO: LA GRAND INCONNUE

Si les professionnels interrogés par Reuters indiquent avoir une certaine visibilité pour 2011 sur les opérations industrielles, les pronostics sont bien moins tranchés pour les introductions en Bourse, la véritable inconnue de 2011.

Ces opérations ont été les grandes absentes de la reprise du M&A, victime de la volatilité des marchés, exacerbée par les inquiétudes liées à la crise de la dette souveraine de certains pays de la zone euro comme la Grèce, l'Irlande ou l'Espagne.

"En 2010, la configuration a été extrêmement inhabituelle (...) on apercevait la lumière au bout du tunnel, et la crise grecque est arrivée", indique Xavier Bommart, responsable du développement commercial du listing Europe chez NYSE Euronext.

"La reprise des grosses opérations a par la suite été considérablement ralentie", rappelle-t-il.

Les statistiques Thomson Reuters indiquent que l'année 2010 est la pire depuis 1996 en France pour le marché primaire actions qui comprend les augmentations de capital, les obligations convertibles et les introductions en Bourse.

Seul le secteur des biotechnologies a tiré son épingle du jeu, sans faire oublier toutefois l'échec du groupe d'hôtels et de casinos Lucien Barrière, ou encore la valorisation décevante obtenue par le groupe de maisons de retraite Medica.

"L'évolution des marchés d'actions reste une épée de Damoclès pour le marché des introductions en Bourse", indique de son côté Jérôme Calvet, co-président de la banque d'investissement Nomura en France.

"Il y a un consensus sur le fait qu'on va rester sur une trajectoire en tôle ondulée du marché. Ce n'est pas facile de lancer ce type d'opérations, qui sont des processus longs, dans des marchés très volatils", a confirmé de son côté un banquier spécialiste du marché primaire.

Le petit nombre d'introductions en Bourse d'entreprises détenues par les fonds de private equity a été l'une des déceptions majeures de l'année.

Mais selon Franck Sebag, associé du cabinet Ernst & Young, ces dernières essaieront de tenter leur chance en 2011.

"Si on regarde la France, les sorties de fonds de private equity et de capital risque sont restés un vecteur important d'IPO (...). Ce phénomène va continuer (...) en 2011", dit-il, rappelant que les espoirs de fin 2009 ne se sont pas réalisés.

Le "pipeline" de grosses opérations en attente est devenu particulièrement dense pour 2011 et comprend notamment Canal Plus, l'entité fusionnée entre Veolia Transport et Transdev ou encore le conditionnement de Saint-Gobain.

Si des doutes subsistent sur la capacité du marché à absorber toutes les opérations prévues, peu de professionnels du secteur s'attendent à ce qu'il n'y ait aucune amélioration.

"2011 ne peut pas être pire que 2010", résume une banquière.

Avec la contribution de Matthieu Protard, édité par Jean-Michel Bélot