Justin Lahart,

The Wall Street Journal

NEW YORK (Agefi-Dow Jones)--Les investisseurs découvrent soudainement l'ampleur du resserrement monétaire que pourrait opérer la Réserve fédérale (Fed), faisant plonger l'indice Dow Jones Industrial de 1.800 points en seulement deux jours. Leurs inquiétudes sont légitimes.

Les cycles de de resserrement monétaire de la Fed ont toujours tendance à être désordonnés. Ajoutez à cela une réforme fiscale qui chauffe davantage l'économie au moment même où la Fed tente de la refroidir ainsi que les prix élevés des actions et les obligations, et vous obtenez un cycle encore plus chaotique qu'à l'accoutumée.

Le rapport sur l'emploi publié vendredi par le département américain du Travail a clairement montré que les tensions sur le marché du travail se traduisent enfin par une plus forte croissance des salaires. Cette accélération des salaires sont le signe de pressions inflationnistes plus fortes pour la Fed, ce qui laisse la porte ouverte à un relèvement des taux plus rapide que prévu de la part de l'institution américaine, de sorte à empêcher une surchauffe de l'économie.

Le frein et l'accélérateur au même moment

Ce type de manoeuvre a toujours été compliqué à gérer pour la Fed. Cette dernière ne doit pas resserer trop doucement sa politique monétaire, sous peine d'être prise de court, mais elle ne doit pas non plus opérer un tour de vis trop brutal qui ferait alors plonger l'économie en récession. Une mission délicate que la Fed n'a que rarement remplie avec succès, notamment lors du soi-disant "atterrissage en douceur" de 1994.

La réforme fiscale qui a été votée à la fin 2017 ne fait que compliquer la donne. La baisse du taux d'impôt sur les sociétés ainsi le coup de pouce fiscal que beaucoup d'Américains vont percevoir sur leur fiche de paie vont doper l'économie cette année. La Fed fait face à une situation où elle appuie sur le frein alors que la politique budgétaire enfonce elle l'accélérateur. Pour ajouter encore de la complexité au problème, personne n'arrive à savoir exactement à quel point cette réforme fiscale soutiendra l'économie ni pendant combien de temps ses effets dureront.

Viennent ensuite les marchés. Même au regard de l'actuel dégringolade des marchés, les rendements des taux à 10 ans du Trésor américain à 2,79% sont à des plus bas historiques. Dans ce contexte, les prix des obligations pourraient être bien plus sensibles à une hausse des taux qu'ils ne l'étaient avant le début de la dernière récession, lorsque les rendements des titres atteignaient 4%.

Une réforme fiscale qui aurait mieux fait de survenir en 2012

Les actions aussi sont chères, en grande partie parce que les faibles rendements obligataires les ont rendues plus attractives auprès de bon nombre d'investisseurs. La valorisation du S&P 500 équivaut à 17,5 fois le montant des bénéfices attendus, proche de son plus haut depuis 2004. Ce qui signifie que les actions aussi pourrait être bien plus sensible que d'ordinaire à un resserrement monétaire de la Fed.

La situation serait différente si le coup de pouce fiscal actuel avait eu lieu en 2012, souligne Robert Barbera, le co-directeur du Center for Financial Economics à l'université Johns Hopkins de Baltimore. A l'époque l'économie était clairement en sous-régime et le taux de chômage s'élevait en moyenne à 8,1% si bien que la Fed n'avait pas à s'inquiéter d'une surchauffe de l'économie. Elle n'aurait peut-être pas eu à mener une politique de rachat d'actifs aussi agressive, qui aujourd'hui a largement contribué aux valorisations si élevées des obligations et des actions.

Malheureusement, la Fed et les marchés n'ont pas à composer avec ce qui aurait pu se passer mais doivent gérer ce qui passe effectivement.

-Justin Lahart, The Wall Street Journal

(Version française Julien Marion) ed: ECH