* Trois jours d'audience, décision attendu d'ici juillet

* En débat, l'obligation de souscrire une assurance maladie

* Ses adversaires voient dans la réforme une ingérence du gouvernement fédéral

par James Vicini

WASHINGTON, 26 mars (Reuters) - La réforme de l'assurance-santé aux Etats-Unis, réforme phare du mandat de Barack Obama à la Maison blanche, est examinée à partir de ce lundi par la Cour suprême qui doit se prononcer sur sa constitutionnalité.

Les neuf juges vont consacrer six heures d'audience à l'affaire, étalées sur trois jours, jusqu'à mercredi - du jamais vu pour une affaire depuis 44 ans -, et devraient rendre leur décision avant le mois de juillet, soit en pleine campagne électorale pour la présidentielle du 6 novembre prochain.

Comme lors du débat parlementaire houleux qui a précédé la promulgation de la réforme, en mars 2010, démocrates et républicains sont de nouveau prêts à en découdre. Manifestations, conférences de presse, émissions de radio ou de télévision se multiplient depuis plusieurs jours déjà.

La décision que prendront les cinq juges républicains et leurs quatre collègues démocrates (1) pourrait être la plus importante depuis l'an 2000, lorsque la Cour suprême avait coupé court au recompte des voix exprimées en Floride lors de l'élection présidentielle et consacré de ce fait la victoire de George W. Bush aux dépens d'Al Gore.

Les débats porteront sur le point de savoir si le Congrès a outrepassé ses prérogatives constitutionnelles en contraignant chaque Américain à se doter d'une assurance-maladie d'ici 2014 sous peine d'être condamné à une amende.

Ils s'ouvrent pratiquement deux ans jour pour jour après la promulgation de la réforme par Barack Obama, le 23 mars 2010.

L'idée de la réforme est de fournir une assurance santé aux quelque 30 millions d'Américains qui ne sont pas couverts, soit 10% environ de la population, et de ralentir l'explosion des dépenses de santé, qui représentent plus de 17% du PIB.

Mais pour les républicains, à commencer par les candidats à l'investiture du parti, cette réforme incarne le "big government", ce gouvernement fédéral qui se mêle de ce qui ne le regarderait pas et dont ils jugent inacceptables les ingérences dans la vie quotidienne de leurs compatriotes.

D'après les sondages, l'opinion publique reste toujours aussi divisée sur le bien-fondé de la réforme, et plus de la moitié des 50 Etats de l'Union - 26 exactement - se sont associés pour porter la question devant la plus haute juridiction du pays.

DÉFINIR LES LIMITES DES POUVOIRS DU CONGRÈS

"Quelle que soit la décision de la Cour, son arrêt sera cité pendant les 250 prochaines années", n'hésite pas à dire Tom Goldstein, un avocat spécialiste de la Cour suprême. "Il n'y a aucun exemple comparable dans l'histoire moderne des Etats-Unis", ajoute-t-il.

Pour les 26 Etats à l'origine de la plainte, et qui seront représentés par l'avocat Paul Clement, conseiller juridique sous la présidence de George W. Bush, accepter qu'on contraigne les Américains à souscrire une assurance maladie reviendrait à accorder au Congrès le droit de les forcer à acheter, qu'ils le veuillent ou non, d'autres services ou produits.

"C'est un usage sans précédent des pouvoirs du Congrès", soulignait dans une récente interview Paul Clement, qui plaidera pour l'annulation pure et simple de la réforme.

A l'inverse, les conseillers juridiques de l'administration, conduits par Donald Verrilli, vont demander aux juges de la Cour suprême de déclarer la loi sur la Protection des patients et les soins abordables (Patient Protection and Affordable Care Act) en conformité avec la Constitution.

Ils arguent que l'obligation faite aux Américains de disposer d'une couverture maladie - le "mandat individuel" - s'inscrit dans une politique globale visant à résoudre la crise de la santé.

Ils estiment aussi que cette loi est comparable à d'autres législations marquantes de l'histoire récente, comme le Social Security Act ou le Civil Rights Act sur les droits civiques qui, rappellent-ils, ont suscité en leur temps autant de controverses et de polémiques mais ont été confirmés par la Cour suprême.

La Cour suprême peut confirmer ou invalider la loi tout entière. Elle peut aussi abroger l'une ou l'autre de ses dispositions. Elle peut aussi renvoyer son arrêt à 2014, lorsque le texte sera entré en vigueur.

(1) côté républicain, Clarence Thomas, John Roberts, Antonin Scalia, Samuel Alito et Anthony Kennedy, et, côté démocrate, Ruth Bader Ginsburg, Stephen Breyer (nommés par Bill Clinton) et Sonia Sotomayor et Elena Kagan (nommées par Barack Obama). (avec Jeremy Pelofsky; Henri-Pierre André pour le service français)