PARIS, 13 mars (Reuters) - La guerre en Ukraine et ses conséquences sur les prix des matières premières pourraient amputer de deux points de pourcentage la croissance de l'économie française d'ici 2024, en cumulé, et porteront l'inflation à un niveau nettement plus élevé que prévu auparavant, montrent les prévisions trimestrielles de la Banque de France publiées dimanche.

Alors que l'économie française n'a quasiment pas souffert de la dernière vague d'épidémie de COVID-19 liée au variant Omicron du coronavirus, la Banque de France a tout de même revu en baisse ses prévisions de croissance pour cette année et la suivante en raison des incertitudes provoquées par l'offensive militaire lancée le 24 février par la Russie en Ukraine.

"Sans la guerre, nous aurions eu une très bonne croissance en 2022, à 3,9%, au-dessus de nos dernières prévisions à 3,6%, car Omicron n’a pratiquement pas pesé sur l’activité", a déclaré François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, dans une interview au Parisien.

La guerre en Ukraine crée cependant une "situation exceptionnelle" qui amène la Banque de France à établir deux scénarios d'ici 2024.

Selon un premier scénario s'appuyant sur des hypothèses figées le 28 février, la croissance du produit intérieur brut (PIB) de la France baisserait à 3,4% en 2022 et 2,0% en 2023, contre respectivement 3,6% et 2,2% prévus en décembre, et s'établirait à 1,4% en 2024, comme dans la précédente prévision.

La Banque de France n'exclut pas toutefois une hausse encore plus importante des prix du pétrole, du gaz naturel et du blé, comme cela a déjà été constaté depuis début mars.

Dans ce cas, la croissance de l'économie française serait ramenée à 2,8% cette année, à 1,3% l'an prochain et à 1,1% en 2024.

L'INFLATION POURRAIT ATTEINDRE 4,4% CETTE ANNÉE

"En résumé, selon les deux scénarios, nous perdrions un demi-point ou un point de croissance sur l’année. Mais dans les deux cas de figure, jusqu’en 2024 la croissance resterait positive, sans récession", souligne François Villeroy de Galhau dans Le Parisien.

En provoquant une flambée des cours des matières premières, la guerre en Ukraine, accompagnée de lourdes sanctions occidentales contre la Russie, fait surtout grimper les prix, qui avaient déjà tendance à augmenter avec la reprise économique mondiale post-COVID.

Alors que la Banque de France attendait en décembre une inflation à 2,5% en moyenne cette année en France, elle prévoit désormais qu'elle atteindra 3,7% dans son scénario conventionnel et jusqu'à 4,4% dans le scénario dégradé, soit plus du double de l'objectif de 2% de la Banque centrale européenne.

"(L'inflation) aurait dû baisser, mais nous allons désormais rester plusieurs mois à un niveau plus élevé", constate François Villeroy de Galhau dans Le Parisien. "Cependant dans les deux scénarios, l’inflation en France redescendrait sous les 2% d’ici 2024."

Toutes ces prévisions restent toutefois soumises à de "forts" aléas, prévient la Banque de France. "En particulier, un arrêt brutal des importations d'énergie en provenance de Russie aurait vraisemblablement des conséquences économiques (...) encore plus importantes mais difficiles à quantifier à ce stade", dit-elle. (Reportage Leigh Thomas, Gus Trompiz et Bertrand Boucey)