HONG KONG/MOSCOU, 24 juin (Reuters) - Le départ de Hong Kong d'Edward Snowden, l'informaticien à l'origine des révélations sur le programme Prism, constitue un revers diplomatique pour Barack Obama, qui tentait dernièrement de réchauffer les relations avec Moscou et de développer un nouveau partenariat avec Pékin.

Le jeune informaticien de 29 ans, qui travaillait en sous-traitance pour la National Security Agency (NSA), a été inculpé vendredi pour espionnage par les Etats-Unis, qui faisaient pression sur les autorités de Hong Kong pour obtenir son extradition.

Mais ces dernières ont fait savoir dimanche que l'ancien consultant avait quitté volontairement la région administrative spéciale après y avoir été autorisé, invoquant la non-conformité du dossier transmis par les Etats-Unis à la loi de Hong Kong pour traiter une requête de mandat d'arrêt provisoire.

Une source proche de la compagnie aérienne russe Aeroflot a indiqué qu'Edward Snowden avait réservé un siège sur un vol à destination de Moscou et que l'avion avait atterri.

Le ministre équatorien des Affaires étrangères, Ricardo Patino, a annoncé peu après que l'informaticien avait demandé l'asile politique à l'Equateur, qui appartient avec Cuba et le Venezuela à l'alliance ALBA de pays latino-américains "anti-impérialistes".

La fuite d'Edward Snowden constitue un revers en matière de politique étrangère pour Barack Obama, qui avait tenté ce mois-ci de se rapprocher de Moscou et de Pékin, et avait défendu le programme de surveillance Prism, estimant qu'il ne violait pas les libertés individuelles.

Interrogé sur la fuite d'Edward Snowden, le porte-parole de Vladimir Poutine, Dimitri Peso, a dit tout ignorer des intentions du jeune homme âgé de 29 ans.

"LA MAIN DE PEKIN"

Le sénateur américain Charles Schubert, interrogé par CNN, a estimé au contraire que le président russe avait vraisemblablement donné son aval, ce qui aura de "graves conséquences" sur les relations bilatérales.

"Poutine a toujours l'air pressé de mettre des bâtons dans les roues aux Etats-Unis -que ce soit sur la Syrie, l'Iran et maintenant bien sûr avec Snowden", a-t-il jugé, ajoutant qu'il voyait dans la décision de Hong Kong de laisser Snowden quitter le territoire chinois "la main de Pékin".

La porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hua Chunying, a exprimé lundi sa "grave préoccupation" au sujet des accusations formulées par Snowden, ajoutant qu'elles prouvaient une fois de plus "que la Chine était victime de cyberattaques" et que son pays s'était "plaint auprès des Etats-Unis".

Edward Snowden a déclaré au quotidien hongkongais South China Morning Post que les Etats-Unis se livraient à des actes de piratage informatique à Hong Kong et en Chine depuis des années, notamment à l'encontre de sociétés chinoises de téléphonie mobile et de l'Université Tsinghua, l'une des plus réputées de Chine.

Si elle est confirmée, sa fuite vers Moscou montre que ni la Chine ni la Russie n'auront cherché à satisfaire la requête des Etats-Unis, alors que les présidents chinois et russe ont tous deux eu des entretiens bilatéraux ce mois-ci avec Barack Obama.

Dans un communiqué, le département d'Etat américain a averti les "gouvernements de l'hémisphère occidental" qu'Edward Snowden était recherché pour crime grave et ne devait pas être autorisé à voyager davantage sur les lignes internationales.

L'hémisphère occidental désigne généralement les Amériques et les extrémités occidentales de l'Europe et de l'Afrique.

La Maison blanche n'a pas fait de commentaires.

L'administration Obama s'est toujours décrite comme une victime de cyberattaques en provenance de Chine.

Lors de sa rencontre début juin avec son homologue chinois Xi Jinping, Barack Obama l'avait appelé à reconnaître la menace posée par le cyberespionnage vis-à-vis des Etats-Unis et à enquêter sur le problème.

(James Pomfret, Lidia Kelly et Sui-Lee Wee; Hélène Duvigneau pour le service français)