Il y a des paradoxes dans l'économie française qui déroutent les analystes et mettent à mal les modèles ! Celui des très bons résultats démographiques de la France dans une période difficile - cf. un bilan récent de l'INSEE à ce sujet -, en est un !

D'un côté, depuis une bonne dizaine d'année, tous les indicateurs démographiques sont au vert : forte croissance naturelle reposant sur une forte natalité (821 00 bébés nés en 2009, bonne espérance de vie à la naissance (84,5 ans pour les femmes et 77,8 ans pour les hommes, 256 000 mariages et 175 000 pacs soit près de 431 000 unions en 2009 contre un peu plus de 300 000 en 2000 : quel dynamisme !

De l'autre côté, il y a les turbulences actuelles et les angoisses face à la mondialisation de nos économies en particulier : dans le sondage Eurobaromètre, les français expriment un fort scepticisme et des doutes face à cette économie globalisée que nous observons aujourd'hui : les français sont les premiers en Europe, devant la Grèce et Chypre, pour dire que « la mondialisation constitue une menace pour l'emploi et les entreprises de votre pays » (72 % contre 21 % indiquant que « la mondialisation constitue une opportunité pour les entreprises grâce à l'ouverture des marchés », Eurobaromètre Spécial 251, Q17A, Le futur de l'Europe, mai 2006).

Et surtout, il y a nos partenaires européens qui sont, pour la plupart, en rupture avec cette tendance française, en Allemagne, Italie, Espagne, Portugal en particulier où les tendances démographiques sont inversées malgré une hausse salutaire du taux de fécondité ces dernières années : faible croît naturel, vieillissement démographique préoccupant, en Allemagne en particulier, et croissance de la population fondée sur l'immigration, comme en Italie où le solde migratoire est supérieur aux naissances.

Risquons-nous à une tentative d'explication : il y a d'abord un modèle social et une qualité de vie qui font des envieux, en Allemagne en particulier : systèmes de crèches et assistantes maternelles bien pensés, écoles ouvertes dès 3 ans voire avant, repas du midi et garderie bien organisée (à 7h45 et jusqu'à 18h.), système de chèque-emploi-service efficace et fiscalement intéressant et allocations incitatives, en particulier pour le 3ème enfant !

Mais limiter notre analyse, sur les questions de démographie, à un strict calcul coût / avantage est indigne ! Chassons les économistes et élargissons notre champ d'analyse :
Il y a peut-être un vieux réflexe gaulois de précaution familiale dans un environnement compliqué et risqué et les travaux d'Emmanuel Todd sur les différents modèles familiaux pourraient expliquer, en Europe, de telles différences : le poids du critère lié au caractère intégré (ou non) de la famille, qui s'observe dans les rapports parents-enfants, peut-il expliquer la situation française ?
Il y a peut-être aussi la persistance d'une vision « d'universalisme » du modèle républicain français : à défaut de s'exporter dans les idées comme à la fin du XVIIIème siècle ou dans les expansions coloniales au XIXème siècle, les français reviendraient aux sources : croître naturellement pour se mondialiser par la suite et donc... ne pas mettre la charrue avant bœufs !
Bref, les français croient dans l'homme et dans la vie, et ils le montrent tous les jours dans la vie économique : revendications, résistances, négociations âpres, complexification du débat politique et social : ils se délectent pour la micro-économie ! De profonds libertariens somme toute !

Comme quoi, alors que les marchés financiers retiennent leur souffle face aux dettes qui s'amoncèlent et que la reprise se fait attendre, du moins en Europe, la démographie française… l'anticipe déjà !

Laurent Guihéry