La question d’une réduction des achats d’actifs de la Fed, qui pourrait s’engager début 2022, survient dans une année de croissance très particulière au cours de laquelle une relance coordonnée des principaux pays occidentaux doit contribuer à sortir de la récession et du sous-emploi le plus rapidement possible, observe Vincent Manuel, Chief Investment Officer d'Indosuez Wealth Management.

Tout est dans ce que " rapidement " signifie : quelques mois ou trimestres aux États-Unis, et sans doute quelques années en zone Euro, dont le plan de relance tarde à se mettre en oeuvre.

Pour Vincent Manuel, c'est une question importante pour les devises au second semestre : le déconfinement et le plan de relance vont-ils ramener la croissance européenne au niveau de la dynamique constatée aux États-Unis ?

Pour autant rappelle l'économiste, augmenter les dépenses publiques n'élève pas le sentier de croissance d'une économie à long terme, elle peut même le dégrader. Sauf si les dépenses portent sur des investissements (infrastructures, digital, éducation…) et s'accompagnent de réformes visant à accroître la productivité de l'économie.

Ce n'est donc pas par hasard que la réponse de l'Amérique de Biden comme celle des Européens mettent l'accent sur les investissements, observe le professionnel. Pour ce dernier, il est intéressant de noter que face à ce contexte, l'Italie semble vouloir profiter de cette phase pour engager des réformes de structures destinées à améliorer une productivité dont la dynamique demeure en retrait de celle de ses voisins européens.

Faut-il cependant craindre un tour fiscal en 2022, après une année 2020 très monétaire et une année 2021 marquée par la relance budgétaire?

Selon Vincent Manuel, il serait logique d'anticiper en tout cas que le taux d'imposition sur les sociétés (qui a fortement reculé au cours des quatre dernières décennies) remonte pour contribuer au financement de ce retour en grâce de l'État providence pourfendu dans les années 80. C'est en substance le sens du propos de Janet Yellen au dernier sommet du Fonds monétaire international (FMI).

Le challenge sera de trouver un équilibre durable du mode de financement des États dans une économie de plus en plus duale à mesure que la disruption digitale s'amplifie.

Une chose semble certaine : les États ne pourront pas durablement accroître leurs dépenses et en même temps continuer de baisser les taux d'imposition, sauf à mettre en danger leur trajectoire de retour aux équilibres.

La croissance potentielle et l'innovation restent donc les objectifs à long terme de ces plans, et la trajectoire de croissance de 2022-2023 sera probablement l'épreuve de vérité de ces plans de relance.

Dans ce cadre, au-delà du rebond des valeurs Cycliques et Value qui devrait se poursuivre cette année, la croissance schumpéterienne pourrait à nouveau dominer la croissance keynésienne et les investisseurs pourraient à nouveau continuer de privilégier les pays et acteurs axés sur l'innovation et la croissance durable, peut être au détriment des secteurs Cycliques et des pays dont le modèle de croissance repose trop fortement sur l'accumulation de dettes.

Passé ce rebond cyclique qui devrait s'élargir à l'ensemble des pays au second semestre, nous pourrions retrouver davantage de divergence l'année prochaine, conclut le Chief Investment Officer d'Indosuez Wealth Management.