PARIS, 23 août (Reuters) - La France est préoccupée par la date butoir du 31 août fixée par les Etats-Unis pour leur retrait militaire d'Afghanistan et elle juge qu'un délai supplémentaire est "nécessaire" pour procéder aux évacuations engagées depuis la prise de Kaboul par les taliban, a déclaré lundi Jean-Yves Le Drian.

"Nous sommes préoccupés de la date butoir fixée par les Etats-Unis le 31 août. Un délai supplémentaire est nécessaire pour mener à bien les opérations en cours", a dit le ministre français des Affaires étrangères, selon des déclarations transmises par un journaliste de "pool" lors d'un déplacement à Abou Dhabi, où arrivent les avions français en provenance d'Afghanistan.

Alors que le président des Etats-Unis Joe Biden n'a pas exclu dimanche que les troupes américaines puissent rester en Afghanistan au-delà du 31 août, afin de superviser les opérations d'évacuation, un responsable taliban a déclaré lundi à Reuters qu'aucune demande en ce sens n'avait été formulée pour l'instant.

Deux sources au sein du mouvement des taliban ont par ailleurs indiqué à Reuters que ces derniers n'accepteraient pas une prolongation de la présence des forces occidentales en Afghanistan.

Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison blanche, Jake Sullivan, a déclaré pour sa part que Joe Biden suivait la situation à Kaboul "au jour le jour" et prendrait une décision sur une éventuelle prolongation des évacuations "en temps voulu".

Le président américain s'est entretenu lundi à ce sujet avec le Premier ministre Boris Johnson, ont fait savoir les deux dirigeants.

Les Etats-Unis discutent avec les taliban de tout ce qui se passe dans la capitale afghane et s'estiment en mesure d'évacuer l'ensemble des ressortissants américains encore présents à Kaboul d'ici au 31 août, a ajouté Jake Sullivan.

La France a déjà procédé de son côté à 14 rotations d'avions A400M et prévoit d'en effectuer deux autres mardi, a précisé Jean-Yves Le Drian à Abou Dhabi, où il s'est rendu en compagnie de la ministre des Armées, Florence Parly.

"Demain, il y aura eu 2.000 personnes qui auront été évacuées en un tout petit peu plus d'une semaine depuis Kaboul. C'est un exploit", s'est-il félicité. Il a ajouté que parmi les personnes évacuées, figurent 90 Français.

LA FRANCE "AU RENDEZ-VOUS DE LA SOLIDARITÉ", DIT LE DRIAN

"Les autres sont soit des agents locaux qui ont travaillé pour nous, en petit nombre car beaucoup avaient déjà été évacués avant, soit des auxiliaires de défense (...) et puis essentiellement des Afghans qui sont en risque, en difficulté, de par leur engagement, qui nous ont été recommandés par leur propre histoire, leur propre volonté et qu'il importe que la France assure le devoir moral de les exfiltrer (...)", a-t-il poursuivi.

"La France est au rendez-vous de la solidarité avec l'Afghanistan même dans des conditions aussi difficiles", a-t-il dit.

Le ministre français des Affaires étrangères a aussi souligné que la principale inquiétude de Paris concernait l'accès à l'aéroport de Kaboul.

"Notre principal souci, c'est l'accès (à l'aéroport). Cela se fait au compte-gouttes. Il faut encore accroître notre coordination localement, avec les Etats-Unis et nos partenaires présents sur place", a déclaré le chef de la diplomatie française.

La prise de Kaboul par les taliban le 15 août a déclenché des scènes de chaos, des milliers d'Afghans se précipitant vers l'aéroport pour tenter de quitter le pays.

"Nous avons eu des milliers de signalements. Après il faut vérifier téléphoniquement (leur identité, leur situation), effectuer les vérifications nécessaires, évaluer la menace qui pèse sur les personnes", a indiqué une source au sein du ministère français des Affaires étrangères. "Depuis avril en ce qui concerne les ADL (agents de droit local) nous avons rapatrié 625 agents de droit local qui travaillaient pour l'Ambassade de France et leurs ayants droits", a poursuivi la source.

"Nous ne savons pas de combien de temps nous disposons. Tout cela à tout instant peut s'interrompre", a-t-elle souligné.

"Nous n'avons pas attendu le 15 août pour s'organiser. Nous avons facilité le départ du pays de nos ressortissants et de nombreux Afghans travaillant pour nous depuis plusieurs mois. Nous avons lancé la planification du pont aérien avant la chute de Kaboul", a déclaré pour sa part Florence Parly.

Dans un communiqué, le Quai d'Orsay avait précisé auparavant que les opérations d'évacuations entamées le 16 août allaient se poursuivre.

Un septième vol transportant plus de 250 personnes, parmi lesquelles cinq Français et 246 Afghans, est ainsi arrivé à l’aéroport de Roissy Charles-De-Gaulle dans la matinée de lundi, selon ce communiqué. (Reportage John Irish, version française Bertrand Boucey, Claude Chendjou et Tangi Salaün)