Les finances publiques en difficulté de la France et son déficit de 154 milliards d'euros (168 milliards de dollars) laissent la deuxième économie de la zone euro "dangereusement exposée" en cas de nouveau choc macroéconomique, a déclaré lundi la Cour des comptes.

L'avertissement de la Cour des comptes intervient à un moment délicat pour le gouvernement du président Emmanuel Macron après les élections législatives de ce mois-ci.

L'élection s'est soldée par un parlement sans majorité, mais bien qu'aucun parti n'ait obtenu une majorité absolue, le Rassemblement national (RN) d'extrême droite et la coalition de gauche du Nouveau Front populaire ont obtenu de bons résultats, les deux blocs ayant promis de grands programmes de dépenses publiques.

La Cour des comptes a rappelé qu'il était vital pour la France de réduire son déficit public, qui est passé de 125,8 milliards d'euros en 2022 à 154 milliards d'euros en 2023.

"En raison des retards pris dans la mise en œuvre de véritables réformes structurelles, le coût de la dette publique, exacerbé par les déficits récurrents et le poids de ces déficits, est devenu de plus en plus élevé", a déclaré la Cour des comptes.

Cela "a entravé d'autres dépenses, réduit la capacité à réaliser des investissements et laisse le pays dangereusement exposé en cas de nouveau choc macroéconomique", a ajouté le rapport.

DETTES À PAYER

Pierre Moscovici, l'ancien ministre français des finances qui dirige la Cour des comptes, a souligné le coût croissant du service de la dette française.

"Nous payons déjà 52 milliards d'euros par an pour la rembourser. Nous paierons 80 milliards d'euros pour la rembourser en 2027. Cela veut dire qu'il n'y a plus de marge de manœuvre pour faire le reste, pour l'éducation, pour la justice, pour la sécurité, pour le financement de la transition écologique", a déclaré Pierre Moscovici sur France Inter.

La Cour des comptes a estimé que les programmes de financement public de la France ne prenaient pas suffisamment en compte les coûts liés aux politiques de protection de l'environnement, telles que l'utilisation accrue des énergies renouvelables, et que cela constituait un "choc négatif majeur".

Elle a indiqué que les investissements supplémentaires nécessaires à la mise en œuvre de ces politiques devraient entraîner des coûts annuels supplémentaires de 60 milliards d'euros par an d'ici à 2030.

En septembre dernier, le gestionnaire de réseau français RTE a déclaré que des investissements massifs à court et à moyen terme étaient nécessaires dans le secteur de l'électricité, car le pays vise à réduire davantage ses émissions de carbone et à poursuivre l'abandon des combustibles fossiles d'ici à 2050.

Une étude publiée cette année par des législateurs européens appartenant à des partis politiques verts a également indiqué que l'UE aurait besoin de 1 500 milliards d'euros d'investissements par an pour atteindre son objectif d'émissions nettes nulles d'ici 2050.

Le mois dernier, la Commission européenne a déclaré que la France et six autres pays devraient être sanctionnés pour avoir enregistré des déficits budgétaires dépassant les limites fixées par l'Union européenne.

Le déficit budgétaire de la France s'élève à 5,5 % du produit intérieur brut (PIB) en 2023, contre 4,8 % en 2022, ce qui est supérieur à la limite de 3 % fixée par l'Union européenne.

La dette publique française représentait 110,6 % du PIB en 2023. La Commission européenne s'attend à ce qu'elle passe à 112,4 % cette année et à 113,8 % en 2025, alors que la limite de l'UE est de 60 %.

Le gouvernement de M. Macron s'est engagé à respecter la limite de déficit de 3 % fixée par l'UE d'ici 2027, mais les perspectives sont compliquées par l'impasse parlementaire.

Les agences de notation Moody's et S&P Global ont mis en garde contre les effets négatifs de l'impasse politique sur l'économie française, où aucun parti politique n'a obtenu de majorité absolue.

(1 $ = 0,9164 euro) (Reportage de Sudip Kar-Gupta ; Reportage complémentaire de Tassilo Hummel ; Montage de Jason Neely et Angus MacSwan)