Washington (awp/afp) - La banque centrale américaine (Fed) a relevé mercredi ses taux directeurs de trois quarts de points, la plus forte hausse depuis 1994, afin de lutter contre l'inflation qui ne faiblit pas.

Il s'agit de la troisième hausse d'affilée de ces taux, qui se situent désormais dans une fourchette comprise entre 1,50 à 1,75%, et donnent le ton pour les crédits accordés aux particuliers et entreprises.

La Fed a précisé, dans un communiqué publié à l'issue de la réunion de son Comité de politique monétaire (FOMC), qu'elle anticipait d'autres hausses. La plupart de ses responsables voient les taux grimper, d'ici à la fin de l'année, jusqu'à la fourchette de 3,25 à 3,50%.

L'institution a par ailleurs assuré qu'elle restait "déterminée à ramener l'inflation à son objectif de 2%".

Le président de la Fed, Jerome Powell, tiendra une conférence de presse à partir de 14H30 (18H30 GMT).

Cette forte hausse des taux avait été mise sur la table il y a quelques jours seulement, alors que la Fed anticipait auparavant une hausse d'un demi-point de pourcentage, comme lors de sa réunion de début mai, ce qui était déjà le relèvement le plus rapide depuis 2000.

Mais les chiffres de l'inflation en mai, publiés vendredi, ont fait l'effet d'une douche froide: la hausse des prix n'a pas ralenti, comme cela avait été le cas en avril. Elle a même atteint un nouveau record en 40 ans, à 8,6% sur un an.

Croissance au ralenti

Les responsables de la Réserve fédérale (Fed) ont également révisé mercredi à la hausse leurs projections d'inflation, tablant désormais sur 5,2% en 2022 et 2,6% en 2023, quand ils prévoyaient, en mars, respectivement 4,3% et 2,7%.

L'inflation demeure "élevée, reflétant les déséquilibres entre l'offre et la demande liés à la pandémie, les prix de l'énergie plus élevés et plus largement les pressions sur les prix", a souligné la Fed.

L'institution rappelle que l'invasion russe en Ukraine et les sanctions contre la Russie ont créé "des pressions supplémentaires à la hausse sur l'inflation et pèsent sur l'activité économique mondiale".

De plus, les confinements anti-Covid-19 en Chine ont exacerbé les problèmes sur les chaînes d'approvisionnement.

Tout ceci ralentit l'économie américaine.

Aussi, la Fed anticipe-t-elle une croissance économique moins forte que prévu cette année aux Etats-Unis, à 1,7%, contre 2,8% précédemment.

Elle s'attend par ailleurs à ce que le taux de chômage s'élève à 3,7% fin 2022 et 3,9% en 2023, quand elle le voyait auparavant à 3,5%, son niveau de février 2020, juste avant la crise sanitaire, qui était le plus bas depuis 50 ans.

Contrôler l'inflation sans faire plonger la première économie du monde en récession s'avère particulièrement délicat.

"L'activité économique générale a rebondi", après s'être contractée au premier trimestre, note pour l'heure la Fed, citant "des gains d'emplois robustes ces derniers mois et un taux de chômage restant à un faible niveau".

Jerome Powell avait estimé lors de la précédente réunion que contrôler l'inflation sans récession restait atteignable, quoique difficile.

Il a plus récemment souligné que cela pourrait s'accompagner d'une hausse du chômage. Le pays fait face à une importante pénurie de main-d'oeuvre qui pousse les entreprises à relever les salaires, phénomène qui contribue aussi à alimenter l'inflation.

La Fed se démène d'autant plus pour juguler l'inflation que sa crédibilité est en jeu. Ses responsables ont affirmé pendant des mois que cette hausse des prix ne serait que temporaire, et ont par conséquent commencé seulement en mars à resserrer la vis.

"Avec le recul, (...) il aurait sans doute mieux valu relever les taux plus tôt", avait reconnu Jerome Powell le mois dernier, lors d'une interview au Wall Street Journal.

La ministre de l'Economie et des Finances de Joe Biden, Janet Yellen, avait elle aussi reconnu ne pas avoir anticipé une telle hausse des prix.

La Fed est indépendante du gouvernement fédéral, mais Jerome Powell a récemment été reçu par Joe Biden à la Maison-Blanche, avec Janet Yellen, pour une rare entrevue dédiée à l'inflation.

La forte inflation partout dans le monde, et ses effets sur les marchés, inquiètent au point que la Banque centrale européenne (BCE) a tenu mercredi une réunion extraordinaire, à l'issue de laquelle elle a promis d'agir pour calmer les tensions sur la dette souveraine. La semaine passée, elle avait annoncé qu'elle commencerait en juillet à relever ses taux.

afp/rp