par Kevin Yao et Simon Rabinovitch

Pékin a démontré avec cette mesure son intention de juguler la hausse des prix, un geste bienvenu et un rappel salutaire que le yuan va poursuivre son appréciation face au dollar.

La banque centrale a justifié lundi sa décision par la nécessité de combattre la pression sur les prix et d'éviter la formation de bulles spéculatives.

La Chine prouve également que petit à petit, elle active l'ensemble des leviers disponibles dans le but de durcir graduellement sa politique monétaire.

Le relèvement des taux intervenu samedi est le deuxième en un peu plus de deux mois. Le taux directeur a été augmenté de 25 points de base à 5,81%.

"La banque centrale va relever ses taux par petites doses régulières au cours des prochains mois", prévoit E Yongjian, analyste de la Bank of Communications, à Shanghai.

"Le yuan va également augmenter de façon continue l'année prochaine et sera un outil qui contribuera à alléger les pressions inflationnistes", ajoute-t-il.

Les prix à la consommation ont augmenté de 5,1% en Chine en glissement annuel à fin novembre, soit un plus haut de 28 mois.

Selon Ba Shusong, économiste du Development Research Center, un groupe d'experts rattaché au gouvernement, la décision de la Banque populaire de Chine illustre bien la volonté du gouvernement de combattre l'inflation.

"Le rythme de ces mesures va devenir plus régulier, selon ce que nous appelons l'application simultanée des trois taux: le coefficient des réserves obligatoires des banques, les taux d'intérêt et les taux de change", explique-t-il dans un article publié lundi par l'Economic Information Daily.

VERS UN YUAN À 6,25 FACE AU DOLLAR

Le relèvement des taux d'intérêt était attendu par les marchés. C'est le fait de l'annoncer le jour de Noël qui a le plus surpris les investisseurs.

Selon une enquête menée ce mois-ci par Reuters, une majorité d'économistes prévoyaient une hausse des taux avant la fin de l'année et deux autres au cours du premier semestre 2011.

Les marchés redoutent d'ordinaire les mesures de durcissement monétaire. Mais dans le cas de la Chine la crainte s'est inversée et les Bourses craignaient que Pékin ne retarde l'inévitable et que l'inflation finisse par atteindre un niveau insupportable.

Les économistes chinois prévoient que le renchérissement du yuan sera le principal levier employé par Pékin dans sa lutte contre l'inflation, mais les marchés semblent ne pas en être convaincus.

Les positions prises par les investisseurs indiquent qu'ils anticipent pour 2011 une hausse de 2,4% du yuan face au dollar. En 2007-2008, lors de la précédente phase de lutte contre l'inflation en Chine, le cours de la devise chinoise avait gagné plus de 7% en six mois.

Mais une enquête informelle menée la semaine dernière auprès de plusieurs cambistes a montré que plusieurs d'entre eux prévoyaient une hausse d'environ 6% au cours de l'année, jusqu'à 6,25 yuans pour un dollar à la fin 2011.

Le coefficient des réserves obligatoires est à 19%, un niveau record, et n'a plus guère de marge pour augmenter encore.

Mais quelle que soit la méthode choisie par Pékin, sa mise en oeuvre devrait rester très progressive, conformément au style adopté depuis trente ans par la Chine en matière économique.

Dimanche, le Premier ministre Wen Jiabao a jugé la Chine en mesure de maîtriser l'inflation et estimé que les mesures des derniers mois commençaient à porter leurs fruits.

Avec Aileen Wang et Lu Jianxin, Gregory Schwartz pour le service français, édité par Dominique Rodriguez