* Un émissaire chinois sera à Téhéran dimanche

* L'Inde plaide en faveur des efforts diplomatiques

* L'Iran tente de contourner les sanctions

par Michael Martina et Michael Hogan

PEKIN/HAMBOURG, 10 février (Reuters) - La Chine et l'Inde ont manifesté vendredi leur intention de s'impliquer dans la recherche d'une solution à la crise ouverte par le programme nucléaire iranien.

Les deux puissances asiatiques apparaissent soucieuses d'atténuer les effets sur leur économie des sanctions occidentales contre Téhéran.

Téhéran commençant à se trouver incapable de régler ses fournisseurs étrangers, Pékin a annoncé l'envoi d'un émissaire en Iran pour discuter du dossier nucléaire et New Delhi a fait part de son intention de peser dans les pourparlers.

Le gel des transactions avec les établissements financiers iraniens imposé par les Etats-Unis et l'Union européenne complique l'achat par Téhéran de produits alimentaires de première nécessité comme les céréales, l'huile ou le thé, et frappe de plein fouet la population iranienne à trois semaines des élections législatives du 2 mars.

Selon des courtiers en matières premières, l'Iran proposerait désormais à ses fournisseurs de les payer en lingots d'or entreposés à l'étranger ou en chargements de pétrole afin de contourner les sanctions.

Dans son rapport mensuel publié vendredi, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) souligne que l'effet des sanctions occidentales qui doivent entrer en vigueur dans les prochains mois se fait déjà sentir sur les échanges commerciaux mondiaux.

L'AIE assure toutefois qu'il y aura suffisamment de pétrole pour amortir une hausse des prix en cas d'embargo sur les importations de pétrole iranien.

"Le marché devrait avoir une souplesse d'offre suffisante en 2012" pour s'adapter à une baisse des exportations iraniennes liées aux sanctions internationales, écrit l'AIE.

Ceci est dû en particulier au ralentissement de la demande mondiale, à la capacité de production de l'Arabie saoudite et à la reprise des opérations en Libye qui avaient été perturbées l'année dernière lors du conflit, précise l'agence.

EMISSAIRE CHINOIS A TEHERAN

Les tensions entre Téhéran et les Occidentaux se sont aggravées depuis la publication en novembre d'un rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) indiquant que l'Iran a cherché à concevoir une arme atomique.

L'Occident accuse l'Iran de chercher à se doter d'un arsenal nucléaire sous couvert de son programme nucléaire civil, ce que Téhéran dément.

Il y a une semaine, le Washington Post et CNN ont rapporté que le chef du Pentagone, Leon Panetta, jugeait que la possibilité d'un raid israélien contre les installations nucléaires iraniennes dès le mois d'avril gagnait en crédibilité.

Dans ce contexte de tensions diplomatiques, le ministère chinois des Affaires étrangères a annoncé l'envoi d'un émissaire en Iran pour des discussions sur le programme nucléaire de la République islamique.

Ma Zhaoxu, ministre adjoint des Affaires étrangères, sera dimanche à Téhéran pour réaffirmer la volonté de Pékin de régler le contentieux par la voie diplomatique.

"Nous privilégions constamment le dialogue et la coopération comme le seul canal adapté", a déclaré le porte-parole du ministère Liu Weimin lors d'un point de presse.

La Chine fait partie du groupe P5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'Onu - Etats-Unis, Russie, Chine, France et Grande-Bretagne - et l'Allemagne) engagé dans des pourparlers avec l'Iran.

FORTE DEPENDANCE IRANIENNE

Face à l'impasse de ces discussions, qui sont au point mort depuis l'échec de la conférence d'Istanbul en janvier 2011, Bruxelles a exprimé son souhait de voir l'Inde user de son influence auprès de Téhéran pour tenter d'amener l'Iran à la table des négociations.

"Nous ferons part (...) de notre profonde préoccupation concernant le programme nucléaire iranien et demanderons au Premier ministre Manmohan Singh d'user de son influence envers l'Iran pour ramener Téhéran à la table des négociations", a déclaré vendredi le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, lors d'un sommet UE-Inde à New Delhi.

Manmohan Singh, qui s'exprimait lors de la même conférence de presse, a déclaré que la question nucléaire iranienne "pouvait et devait être résolue en donnant le maximum de latitude à la diplomatie".

L'Inde, troisième économie d'Asie, n'a pas caché son opposition aux nouvelles sanctions financières imposées à l'Iran. A la veille du sommet, son secrétaire au Commerce, Rahul Khullar, a déclaré qu'il ne voyait pas pourquoi l'Inde ne devrait pas profiter des opportunités commerciales engendrées par le retrait d'Iran des entreprises européennes.

Avec 45% de son riz importé de l'étranger, l'Iran dépend fortement de ses importations. Les récentes perturbations dans son approvionnement devraient faire s'envoler l'inflation, déjà élevée en raison de la mauvaise gestion économique du pays.

A moins d'un mois des élections législatives, la question du pouvoir d'achat et de la vie chère devrait s'imposer comme le thème central de la campagne.

Les élections du 2 mars sont le premier scrutin organisé à l'échelle nationale depuis la réelection de Mahmoud Ahmadinejad en 2009 qui avait embrasé le pays et fait descendre des milliers de personnes dans les rues pendant huit mois. (avec Manoj Kumar à New Delhi, Silvia Antonioli et Claire Milhench à Londres, Alfred Kueppers à Moscou, Jean-Stéphane Brosse et Marine Pennetier pour le service français, édité par Gilles Trequesser)