* Une première sous la Ve République

* Les Verts renoncent à présenter un candidat

* La gauche croit en une première étape vers l'Elysée (Avec réaction de Bernard Accoyer §13)

par Emile Picy et Thierry Lévêque

PARIS, 1er octobre (Reuters) - Sept mois avant l'élection présidentielle, le socialiste Jean-Pierre Bel a été élu samedi président du Sénat français, devenant le premier dirigeant de gauche de la chambre haute du Parlement sous la Ve République.

Pour le PS, cette victoire qui résulte de la nouvelle majorité sortie des urnes la semaine dernière a valeur de présage dans la course à l'Elysée, mais l'UMP assure qu'elle n'y voit en rien une première étape vers sa défaite.

Le sénateur PS de l'Ariège a obtenu 179 voix dès le premier tour, soit deux de plus que le total théorique de la gauche, face à une majoritée divisée entre le président UMP sortant Gérard Larcher (134 voix) et la centriste Valérie Létard (29 voix). Il y a eu cinq bulletins blancs et nuls.

Dans son premier discours, la voix parfois étranglée, le nouveau président socialiste a exprimé son émotion et déclaré qu'il laissait la porte de la majorité de gauche ouverte à d'autres tendances, sous-entendu aux centristes.

"Je ne serai jamais là pour servir un clan et une clientèle (...) Le Sénat doit prendre sa part à la longue marche vers le progrès social et la mutation écologique", a-t-il dit en promettant de lutter contre les discriminations.

Il a, par ailleurs, annoncé la constitution d'un groupe de travail chargé de proposer à bref délai une réforme du Sénat lui-même. "Nous devons changer l'image de notre assemblée, qui doit aller vers plus de transparence et de modestie (...) Elle doit aller vers une révolution démocratique."

Dans cette assemblée marquée par plusieurs polémiques sur les privilèges de ses élus - le Sénat est la seule institution élective à ne pas se soumettre au contrôle de la Cour des comptes -, la gauche est devenue majoritaire la semaine dernière pour la première fois sous la Ve République.

Les citoyens ordinaires ne votent pas à ces élections mais seulement les "grands" électeurs, des élus locaux notamment.

"Malgré un mode de scrutin défavorable, l'élection d'un président (du Sénat) socialiste témoigne de l'exaspération des élus de terrain qui en ont assez d'être méprisés par le président sortant", a déclaré Martine Aubry, candidate à la primaire socialiste pour la présidentielle de 2012.

Le président du Palais du Luxembourg, deuxième personnage de l'Etat, assume notamment, en vertu de la Constitution, l'intérim du président de la République en cas de décès, de démission ou d'empêchement, ce qui s'est déjà produit en 1969 et 1974.

"UN SCRUTIN SPÉCIFIQUE"

Prenant la parole en premier en tant que doyen d'âge, le sénateur communiste de la Réunion, Paul Vergès, 86 ans, avait déclaré en ouverture de séance : "Nous voyons se dessiner l'espoir d'un Sénat à l'avant-garde des changements attendus."

Dans les couloirs, les élus de droite ont salué le discours du président Bel. "Il n'a pas fait de discours de confrontation, j'ai beaucoup apprécié", a dit à Reuters Patrick Ollier, ministre UMP des Relations avec le Parlement, qui a toutefois rappelé qu'en cas de blocage, l'Assemblée nationale avait voix prépondérante.

Le président de l'Assemblée, Bernard Accoyer, a félicité Jean-Pierre Bel dans un courrier. "Je forme le voeu que nos assemblées continuent à travailler ensemble dans les meilleures conditions pour servir au mieux la République dans le contexte international et européen délicat que traverse la France", a-t-il ajouté.

L'UMP y dispose à elle seule d'une majorité absolue et le système institutionnel permet ainsi au gouvernement de passer outre une éventuelle opposition sénatoriale à ses projets.

Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre UMP, estime que l'événement ne change rien pour la présidentielle. "C'est un scrutin spécifique, il ne préfigure en rien ce que peut être un autre scrutin au mois de mai, qui se présente de manière différente", a-t-il dit.

Le Premier ministre François Fillon a annoncé avoir invité Jean-Pierre Bel à Matignon et dit souhaiter que les deux assemblées puissent "travailler dans un climat de responsabilité".

Ce vote historique est vu par le Parti socialiste comme symbolique et stratégique dans la bataille pour l'Elysée, occupé par un président de droite depuis 1995, avec Jacques Chirac (1995-2007) et Nicolas Sarkozy.

L'équilibre des pouvoirs se précisera la semaine prochaine avec la désignation des vice-présidents et des questeurs notamment, des présidents de groupe, des postes d'influence dotés, en ce qui concerne les questeurs notamment, d'avantages matériels importants.

Les écologistes, qui en principe ne peuvent prétendre à constituer un groupe avec dix sièges, puisque le seuil est actuellement fixé à 15, pourraient obtenir de la nouvelle majorité une modification des règles.

Ils n'ont pas présenté de candidat à la présidence, après avoir envisagé celle du nouveau sénateur de l'Essonne Jean-Vincent Placé.

Cet épisode pourrait être important dans les futures alliances électorales entre les deux tours de la présidentielle entre le candidat socialiste et celui d'Europe écologie-Les Verts, Eva Joly.

Voir le portrait de Jean-Pierre Bel (édité par Jean-Loup Fiévet)