L'hypermarché, au fondement du modèle de consommation de masse des trente glorieuses, est en crise ! Il ne suscite plus, semble-t-il, l'adhésion unanime des consommateurs qui le boudent un peu puisque, chez le numéro 2 mondial, Carrefour, le chiffre d'affaires des hypermarchés en Europe baisse alors qu'il progresse dans les pays émergents. Fidèle à lui-même, innovant et conquérant, le monde de la grande distribution a muri une nouvelle stratégie et a réagi. Ces dernières semaines ont, en effet, vu naître de nouveaux concepts d'hypermarchés plus conviviaux, plus ouverts : moins de produits, plus de couleurs, des « corners » avec des marques comme dans les grands magasins et de nouveaux services pour les clients : garde d'enfants, coiffeurs, conseils,… Il était temps : 50 ans ! Une génération cadenassée dans un concept !

Mais réaménager les espaces de vente et la gamme des produits va-t-elle suffire à relancer ce modèle économique ?

Il faut, semble-t-il, d'abord prendre la mesure des changements importants et des innovations qui animent nos villes et nos banlieues.

Premièrement la grande distribution a perdu le leadership unique du « moins cher », en particulier face aux « hard discounters ». Les entrées « prix d'appel», « promotion » et « disponibilités immédiates des produits » restent toujours le fond de commerce des hypermarchés mais ce triptyque a fait des émules, en villes ou sur internet. Le consommateur, semble-t-il, a aussi changé : il traque d'abord sur Internet les bonnes affaires, et s'informe du niveau des prix, puis décide en véritable expert : l'achat impulsif reste-t-il le moteur à l'heure d'une surinformation publicitaire et informationnelle ?

Ensuite la grande distribution en banlieue a subi le retournement de ces dernières années en termes de localisation des ménages et de regain d'intérêt pour les centres-villes. Quel dynamisme du côté des supermarchés de quartier, des grands magasins et centres commerciaux urbains où une concurrence vive est à l'œuvre entre les géants français de la grande distribution et allemands du hard discount. Tant mieux pour le consommateur qui peut choisir. La proximité des lieux de vie est devenue, semble-t-il, un élément essentiel comme l'ancrage dans les habitudes locales : chercher son pain, prendre son journal, rencontrer ses voisins… Et passer par la superette du coin, certes plus chère !

Bref, l'hypermarché en proie à un problème de transport ? Peut-être ! Comment en effet concilier un discours pro-urbain qui prône les modes doux avec l'usage de la voiture pour rejoindre les hypers en périphérie des villes, souvent congestionnées et sources de stress ? Une piste de solution serait d'imaginer une connexion plus nette avec les réseaux de transport en commun, améliorer les fréquences en combinant, comme on le fait au Japon, tramway (ou train) direct par exemple centre-ville - hypermarché et tramway plus lent s'arrêtant à tous les arrêts comme c'est le cas aujourd'hui… Bref, rapprocher l'hyper des centres villes : gagner en proximité spatiale !

Proximité informationnelle, proximité spatiale mais aussi proximité sociale car c'est l'âge des tribus et Carrefour l'a bien compris en offrant un nouveau concept où chaque tribu se retrouve, avec les marques, ses repères et ses codes.

La mutation du modèle s'annonce passionnante. Certains éléments purement exogènes sont aussi essentiels : relancer le pouvoir d'achat, créer des emplois et faire de la croissance car la grande distribution dépend d'abord de la disponibilité à payer des ménages.

Laurent Guihéry