GENEVE, 8 mars (Reuters) - L'ensemble des pays membres de l'Union européenne, ainsi que le Canada et l'Australie, ont demandé jeudi à l'Arabie saoudite de libérer dix activistes et de coopérer à l'enquête menée par l'Onu sur le meurtre du journaliste et opposant Jamal Khashoggi.

Dans un communiqué commun présenté devant le Conseil des droits de l'homme de l'Onu, à Genève, ils disent être "particulièrement inquiétés par le recours à des lois anti-terroristes et d'autres mesures de sécurité nationale contre des individus qui exercent de manière pacifique leurs droits et leurs libertés".

Les activistes peuvent et doivent jouer "un rôle vital dans le processus de réforme dans lequel le royaume est engagé", est-il ajouté dans le texte.

C'est la première fois que l'Arabie saoudite est la cible d'une réprimande au Conseil des droits de l'homme depuis que celui-ci a été mis en place en 2006.

Au sein de la communauté internationale, l'inquiétude grandit sur les pratiques de l'Arabie saoudite à l'égard des libertés fondamentales, notamment la liberté d'expression.

Des militantes ont été arrêtées en mai dernier pour avoir fait campagne en faveur du droit des femmes à conduire une voiture et pour avoir demandé la fin du système patriarcal.

Amnesty International et Human Rights Watch ont accusé les autorités saoudiennes d'avoir eu recours à la torture par des chocs électriques et par des coups de fouet contre une dizaine de militantes féministes. Ryad a rejeté ces accusations.

"C'est un succès que l'Europe soit ainsi unie", a déclaré à Reuters l'un des émissaires européens auprès du Conseil des droits de l'homme.

L'ambassadeur saoudien Abdulaziz M.O. Alwasil a souligné les efforts du royaume pour faire respecter les droits de l'homme, tout en appelant à gérer cette question de "manière impartiale et objective, loin des rumeurs propagées par certains médias et ONG".

Les arrestations de militantes féministes faisaient suite à une série de mesures répressives prises par Ryad contre certains religieux, des intellectuels et des militants, apparemment pour faire taire les critiques contre le prince héritier Mohammed ben Salman.

Dans leur communiqué conjoint, les trente pays signataires ont dit "condamner le plus fermement possible" le meurtre du journaliste dissident Jamal Khashoggi le 2 octobre dernier à l'intérieur du consulat saoudien d'Istanbul.

"Les circonstances de la mort de M. Khashoggi réaffirment la nécessité de protéger les journalistes et le droit à la liberté d'expression à travers le monde", écrivent-ils.

Ils demandent une coopération à l'enquête menée par Agnès Callamard, la rapporteure spéciale de l'Onu sur les exécutions sommaires ou arbitraires. Cette dernière a déclaré que les Saoudiens n'avaient pour l'heure pas donné suite à ses demandes d'entrevue. (Stephanie Nebehay; Jean Terzian pour le service français)