* Réunion des 27 mardi à Bruxelles pour préparer les négociations

* Incertitude sur la relation que veut Londres avec l'UE

* Front uni des partenaires européens

* Des négociations en trois volets

par Alastair Macdonald

BRUXELLES, 28 novembre (Reuters) - Des représentants des Vingt-Sept se retrouvent mardi à Bruxelles pour préparer les futures négociations du Brexit avec Londres, mais une incertitude de taille demeure: le gouvernement britannique retarde le moment d'exposer le type de relation qu'il souhaite nouer à l'avenir avec l'Union européenne.

Le Français Michel Barnier, ancien commissaire européen qui jouera le rôle de négociateur en chef dès le début des pourparlers, présidera ce séminaire préparé dès la semaine dernière. Selon plusieurs responsables et diplomates, ces discussions entre les 27 ont mis en évidence le front uni présenté par les Etats membres face à la Grande-Bretagne.

L'objet principal de la réunion portera sur le type de structure nécessaire pour négocier avec Theresa May une fois qu'elle aura activé auprès de ses partenaires l'article 50 du traité de Lisbonne qui lancera officiellement les deux années de négociation des modalités du divorce. May s'est fixée comme échéance la fin du mois de mars prochain.

Mais sans consensus clair au sein du gouvernement britannique sur la teneur du Brexit, rien ne pourra être décidé à Bruxelles, insiste-t-on dans les institutions.

Michel Barnier se propose de présenter les grandes lignes de la structure envisagée par l'UE pour procéder au Brexit d'ici un ou deux mois.

"Il n'est pas facile de s'assurer en ce moment quel est vraiment l'intérêt britannique", a estimé la semaine dernière Manfred Weber, le président du groupe du Parti populaire européen (PPE, droite) au Parlement européen, à l'issue d'une brève entrevue avec David Davis, le secrétaire d'Etat britannique à la sortie de l'UE.

DES NÉGOCIATIONS EN TROIS VOLETS

Les négociateurs européens, pour morceler la vaste tâche qui les attend, se préparent à des négociations divisées en trois séries, qui pourront se tenir simultanément.

1. un traité de retrait de l'Union européenne devra être rédigé dans les deux années prévues par l'article 50 afin de définir notamment la séparation des budgets européens et britanniques, le statut des citoyens des deux pays habitant de chaque côté de la Manche, de la frontière avec l'Irlande ou des affaires en suspens auprès des cours de justice européennes;

2. pendant ces deux années, les négociateurs auront simultanément pour tâche de définir la relation qui subsistera entre l'UE et le Royaume-Uni une fois le Brexit entré en vigueur;

3. mais ce volet est susceptible de demander à lui seul un nouveau traité qui pourrait demander plusieurs années de pourparlers et donc un troisième round diplomatique.

Pour une majorité de négociateurs, ce troisième volet ne doit pas être lancé avant la sortie officielle du Royaume-Uni. Cependant, sans une idée de la relation finale, il sera difficile aux deux parties d'avancer dans la transition.

"Il faut que nous définissions la transition, dire quels éléments devront figurer dans le jugement du divorce et quels éléments devront figurer dans la nouvelle relation", explique un haut responsable européen impliqué dans le processus. "Tout ce problème (...) des transitions va être assez délicat. Si on veut éviter une rupture, ce sera un point crucial."

La semaine dernière, Theresa May a indiqué qu'elle espérait éviter un "saut dans le vide" en 2019, face aux craintes des milieux d'affaires de graves perturbations. Cette annonce pourrait laisser présager d'un accord de transition.

Mais la forme de cette entente laisse encore Bruxelles perplexe. "S'il y a une entente politique sur le futur de la relation, alors nous pourrons définir ce que sera l'accord de transition. Mais si on n'en a aucune idée, cela ne marchera pas", rapporte un autre responsable européen.

UNE UNITÉ "SURPRENANTE"

Dans un scénario "norvégien" où Londres se bornerait à demander le maintien du libre échange avec le bloc européen, la transition serait très simple. Il suffirait d'éviter de mettre en place des tarifs douaniers susceptibles d'être abolis quelques années après la sortie.

Si Londres demande plus, les discussions risquent de se compliquer.

Or si elle choisit l'"option simple" du maintien du libre échange, qui s'assortit selon les traités d'un maintien de la libre circulation des personnes, Theresa May devra s'expliquer devant des électeurs britanniques majoritairement favorables à un contrôle des frontières.

Et les deux camps pourraient aussi ne jamais parvenir à s'entendre, mettent en garde les négociateurs bruxellois, auquel cas les Britanniques sont pressentis pour une sortie rapide, sans ménagement.

Le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a estimé ce mois-ci sur la BBC que nombre de responsables britanniques, et notamment le chef de la diplomatie Boris Johnson, induisaient en erreur leurs compatriotes en peignant le tableau d'une Grande-Bretagne gardant les bénéfices de l'Europe sans les inconvénients.

"Il est en train de dire des choses qui sont intellectuellement impossibles, et qui politiquement ne sont pas disponibles", a-t-il déclaré, reflet de cercles dirigeants européens qui se veulent sévères face à Londres pour éviter que d'autres pays ne suivent le même chemin.

"Nous voulons un accord juste pour le Royaume-Uni, mais ce genre d'accord juste ne peut signifier un accord meilleur", a résumé vendredi à la BBC le Premier ministre maltais, Joseph Muscat, qui assurera la présidence de l'UE dès janvier.

Un autre responsable européen s'est dit surpris que même les alliés traditionnels de la Grande-Bretagne, scandinaves ou néerlandais, n'aient pas constitué de "cinquième colonne" pour défendre un Brexit "soft" susceptible d'apaiser les inquiétudes migratoires du pays sans dommager les bonnes relations économiques de chaque côté de la Manche. (Julie Carriat pour le service français, édité par Henri-Pierre André)