* Annonce de Juncker à l'issue d'un sommet numérique à Tallinn

* Bruxelles entend s'attaquer à l'optimisation fiscale des GAFA

* Cette question divise les Etats membres (Actualisé avec fin du sommet, déclarations, contexte)

TALLINN, 29 septembre (Reuters) - La Commission européenne a annoncé vendredi qu'elle proposerait dès 2018 de nouvelles règles afin de mieux taxer les géants du numérique opérant sur le sol européen, une initiative soutenue activement par la France au nom de la lutte contre l'optimisation fiscale mais à laquelle s'opposent plusieurs Etats membres.

"Nous sommes d'avis que, dans le secteur du numérique, les taxes doivent être payées là où elles sont dues", a estimé le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, à l'issue du premier sommet européen consacré à l'économie numérique, à Tallinn.

"La Commission européenne proposera l'année prochaine de nouvelles règles pour une taxation équitable et efficace", a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse clôturant une après-midi d'échanges dans la capitale estonienne.

Dans le collimateur de Bruxelles, les "GAFA" (Google, Apple, Facebook et Amazon), ces géants du numérique régulièrement accusés de faire de l'optimisation fiscale en Europe.

Selon le rapport d'un député européen favorable à une réforme de la taxation, l'UE aurait ainsi perdu 5,4 milliards d'euros en impôts de Google et Facebook entre 2013 et 2015 à cause de leurs mesures d'optimisation fiscale.

Une situation qui pèse sur l'économie de l'Union européenne à l'heure où cette dernière aspire à devenir un leader mondial dans le secteur de l'économie numérique après des années passées dans l'ombre des Etats-Unis, et dans une moindre mesure de la Chine et du Japon.

"RÉGULATION AMBITIEUSE"

"Si nous voulons réussir dans le numérique, nous avons besoin qu'il y ait dans l'espace numérique une compétition juste", a souligné Emmanuel Macron à Tallinn. "Aujourd'hui, les acteurs dominants, anglo-saxons en particulier, ne respectent pas les règles du jeu et utilisent leur position dominante pour empêcher d'autres acteurs d'émerger".

"A cet égard, nous souhaitons une régulation ambitieuse et cela doit faire partie du marché unique du numérique", a ajouté le chef de l'Etat français, qui souhaite que les géants du numérique contribuent au financement de la "transformation numérique".

En l'espace de quelques semaines, la proposition française de taxer les GAFA sur la base de leur chiffre d'affaires réalisé dans chaque pays, et non plus les bénéfices logés dans des filiales installées dans des Etats à faible fiscalité, a recueilli le soutien de dix-neuf Etats membres.

Elle se heurte en revanche aux réserves de plusieurs Etats membres, dont l'Irlande ou le Luxembourg, deux Etats connus pour avoir une taxation très favorable aux sociétés du numérique.

"Si nous voulons que l'Europe devienne numérique, la solution ne passe pas par plus de taxes et de règles", a estimé le Premier ministre irlandais Leo Varadkar, qui sera reçu en octobre à l'Elysée. "Les gens se plaignent qu'il n'y ait pas de Google européen, de Facebook européen mais personnellement je pense que si vous voulez que cela arrive en Europe (...) vous n'y parviendrez pas" avec une plus forte régulation.

Les décisions de l'Union européenne en matière fiscale requièrent l'unanimité de tous les États membres, mais la Commission européenne a récemment évoqué la possibilité de priver les Etats membres de leur droit de veto en se basant sur un article des traités européens permettant de telles exceptions en cas de distorsion des marchés. (Marine Pennetier, Philip Blenkinsop et Julia Fioretti, édité par Sophie Louet)

Valeurs citées dans l'article : Apple, Amazon.com, Facebook, Alphabet