Illustrant l'enjeu politique et diplomatique de ce contrat dont le montant pourrait atteindre 11 milliards d'euros, Nicolas Sarkozy s'est félicité de cette avancée du dossier susceptible de l'aider dans la campagne pour l'élection présidentielle, s'exprimant comme si le dossier était déjà complètement bouclé.

C'est un "succès considérable puisque les Rafale viennent de remporter la compétition dans l'un des pays où la compétition est la plus rude, la plus difficile, la plus acharnée", a-t-il déclaré lors de ses voeux à la presse.

"Il y a trois ans, on avait été sortis du marché, il a fallu remettre les avions français et ça prouve (...) que quand on a un bon produit, qu'on a la volonté de le soutenir, on peut gagner sur des marchés extraordinairement concurrentiels, il n'y a pas de fatalité", a-t-il ajouté.

"Ça faisait trente ans qu'on attendait ce jour. Cent vingt-six Rafale en dernière phase en Inde, ça va bien au-delà de la société qui les fabrique, bien au-delà de l'aéronautique, c'est un signal de confiance pour l'économie française", a-t-il dit.

Des sources gouvernementales indiennes avaient auparavant expliqué que le Rafale était le candidat le moins cher de l'appel d'offres et que l'avionneur français avait donc gagné le droit d'entrer en négociations exclusives.

Le Rafale et le Typhoon du consortium Eurofighter, composé d'EADS, BAE Systems et Finmeccanica, étaient les deux finalistes pour ce contrat, qui, selon une source du ministère indien de la Défense, atteindrait 15 milliards de dollars (11 milliards d'euros) en incluant la formation et la maintenance.

"Le français Dassault s'est distingué par l'offre la plus basse", a déclaré une source gouvernementale.

Le ministre indien de la Défense avait auparavant déclaré que New Delhi ne se prononcerait pas avant fin mars sur l'attribution définitive du contrat.

LE CONTRAT N'EST PAS SIGNÉ

Olivier Dassault, président du conseil de surveillance du groupe Dassault, a dit sa "très grande joie", à la sortie d'une réunion de parlementaires UMP à l'Elysée.

"C'est une très, très, très bonne nouvelle, pas simplement pour la société Dassault mais pour l'ensemble de l'industrie aéronautique française", a précisé le député.

A la Bourse de Paris, l'action Dassault Aviation a gagné 18,46 % mardi. Les groupes d'aéronautique et d'électronique Thales et Safran, qui bénéficieraient eux aussi du contrat, se sont adjugé respectivement 4,52% et 3,59%.

"C'est une grande victoire pour Dassault et le Rafale: sa première commande à l'étranger après une série de grosses déceptions", a commenté James Hardy, spécialiste de la région Asie-Pacifique pour la revue spécialisée Jane's Defence Weekly

Il souligne cependant que le contrat est encore loin d'être acquis. "N'importe quel étudiant indien en achats publics sait que cela ne veut rien dire tant le contrat n'est pas réellement signé".

Le ministre de la Défense, Gérard Longuet, a précisé que les discussions porteraient sur des transferts de technologie, évoquant l'hypothèse de chaînes de construction de Rafale en Inde pour ce contrat qui portera "vraisemblablement" sur une dizaine d'années.

"A cet instant cela ne fait pas partie du cas de figure mais dans une négociation exclusive il y aura peut être une demande".

Dans un communiqué, Nicolas Dhuicq, député UMP de l'Aube, indique que 18 Rafale seront achetés et que 108 autres seront construits en Inde. Une répartition également évoquée par Alain Rousset, président socialiste du Conseil régional d'Aquitaine.

D'AUTRES CONTRATS EN VUE ?

La signature définitive du contrat indien serait une bouffée d'air pour Dassault, qui jusqu'ici n'était pas parvenu à convaincre les acquéreurs étrangers potentiels de commander son Rafale, connu pour être l'un des avions de combat les plus performants au monde mais également l'un des plus chers.

"Les bonnes nouvelles sont comme les ennuis, elles volent en escadrille", a déclaré Gérard Longuet.

Fin novembre, le Conseil fédéral suisse a ainsi choisi le Gripen du groupe suédois Saab pour équiper sa propre flotte d'avions de combat. Dassault espère revenir dans la course avant le vote définitif du parlement helvétique.

Quelques semaines auparavant, les Emirats arabes unis avaient jugé l'offre du français "non compétitive et irrecevable" après plus d'un an de discussions, un avis défavorable de mauvais augure même s'il ne préjuge pas de l'issue finale des négociations.

La même incertitude persiste pour le contrat de 60 avions visé par Dassault au Brésil: si Paris assurait à l'automne que le Rafale était le favori de l'armée et du gouvernement, Brasilia n'a pas encore pris sa décision, retardée entre autres pour des raisons économiques.

Le ministre de la Défense, Gérard Longuet, avait estimé le mois dernier que la production du Rafale pourrait être arrêtée en France si l'avion n'était pas vendu à l'exportation. Des propos recadrés peu après par le Premier ministre: François Fillon avait assuré que la France ne comptait "en aucun cas" renoncer à ses compétences en matière aéronautique.

Manoj Kumar et Nigam Prusty à New Delhi, Emmanuel Jarry, Tim Hepher et Marc Angrand à Paris, édité par Yves Clarisse