"L'information donnée par les agences de notation est insuffisante au regard des directives européennes existantes", a déploré Jean-Pierre Jouyet lors de sa première conférence de presse depuis sa prise de fonction le 15 décembre.

Présentant le 5e rapport annuel de l'AMF sur les agences de notation, il a souligné leur rôle central dans le processus de fabrication et d'émission des produits structurés de dette qui ont été au coeur de la crise financière qui sévit toujours.

L'AMF, a-t-il dit, soutient le projet de règlement européen actuellement en discussion sur les agences de notation, qui prévoit un enregistrement et un contrôle "à condition qu'il aboutisse à un cadre de supervision efficace au plan communautaire".

"Il est important que cette surveillance soit coordonnée au sein du CESR (...) en associant les régulateurs européens, qui doivent disposer d'un pouvoir étendu de surveillance et d'enquête", dit l'AMF.

Jean-Pierre Jouyet a souhaité que le CESR ne soit plus une simple association de régulateurs mais un vrai coordonnateur aux pouvoirs étendus, y compris en matière de sanction.

Auteur du rapport, Hubert Reynier, secrétaire général adjoint de l'AMF chargé de la régulation et des affaires internationales, a souligné que l'activité sur produits structurés (titrisation) était restée vigoureuse jusqu'à l'été 2007 et s'était effondrée dès l'éclatement de la crise du subprime. Cette chute s'est accélérée en 2008.

PLUS DE CONCURRENCE

"Au cours de cette période, l'action des agences s'est caractérisée par une réaction brutale et retardée par rapport à l'évolution des prix de marché", a-t-il dit. Les agences ont eu un effet accélérateur mais non déclencheur dans "la descente aux enfers" du marché des produits structurés, notamment les RMBS (residential mortgage backed securities) et les CDO (collaterized debt obligation).

Les changements de notes dans le monde sur les financements structurés ont atteint 17.547 en 2007 et ont fait un bond à 48.243 au cours des seuls neuf premiers mois de 2008, selon le rapport.

Jean-Pierre Jouyet a invité les investisseurs à ne pas se contenter des notes des trois agences qui dominent le marché du crédit, Standard & Poor's, Moody's et Fitch, à renforcer leur système interne de contrôle et à faire appel à d'autres organismes rompus à l'analyse du risque crédit du type Coface ou Euler Hermes.

"Il faut que le marché de l'analyse du risque crédit soit plus concurrentiel. Il faut encourager l'émergence de modèles alternatifs d'analyse de crédit en complément du système actuel des agences", a-t-il expliqué.

Evoquant le marché plus classique du crédit aux entreprises, Hubert Reynier a estimé que la dégradation des notations observée en 2008 pourrait se traduire par "une détérioration significative des modalités de financement des sociétés et, parfois déclencher des clauses contingentes (trigger clauses) liées à des covenants et pouvant conduire à une crise de liquidité pour les émetteurs concernés".

"L'AMF réaffirme la nécessité pour les acteurs du marché d'adopter la plus grande prudence vis-à-vis de l'utilisation des notations dans les clauses contingentes (...) compte tenu des effets potentiellement déstabilisants qu'elles peuvent engendrer", a-t-il dit.

Ces clauses prévoient, par exemple, que le taux de rémunération offert par un émetteur soit automatiquement augmenté en cas de dégradation de ses notes par une des trois grandes agences.

Raoul Sachs, édité par Jacques Poznanski