KIEV (Reuters) - Kiev a de nouveau été la cible de missiles vendredi, alors que les troupes russes poursuivaient leur avancée vers la capitale ukrainienne et que les autorités locales se préparaient à affronter un assaut destiné à les renverser.

Au lendemain du début de l'offensive russe contre l'Ukraine sur ordre du président Vladimir Poutine, les habitants de Kiev continuaient de vivre au son des hurlements des sirènes d'alerte aérienne, contraignant certains d'entre eux à se réfugier dans des stations de métro souterraines, des caves ou des abris de fortune.

Les habitants n'ayant pas encore quitté la ville ont été appelés à confectionner des cocktails Molotov pour participer à la défense de la ville.

"Faites des cocktails Molotov, neutralisez l'occupant", a exhorté le ministère de la Défense.

Le conseil municipal de la ville a invité les habitants du quartier d'Obolon, voisin d'une base aérienne dont des parachutistes russes ont pris le contrôle jeudi, à rester chez eux en raison de leur proximité avec une zone de combats "à l'approche".

Selon un responsable ukrainien, les forces russes devraient atteindre certaines zones de la banlieue de Kiev dans le courant de la journée, en dépit des efforts des forces ukrainiennes, moins nombreuses.

Près de l'aéroport principal de Kiev, un obus tombé avant l'aube a fait exploser les vitres d'un immeuble d'habitation de dix étages, créant un cratère de deux mètres de diamètre rempli de gravats.

Ce tir a fait des blessés mais aucun mort, d'après un policier.

EXODE

Selon des responsables ukrainiens, un avion russe abattu dans la nuit s'est écrasé sur un immeuble de Kiev, déclenchant un incendie et faisant huit blessés.

Les affrontements ne se limitent pas à la capitale et selon des témoins, de fortes explosions ont retenti à Kharkiv, deuxième ville la plus peuplée d'Ukraine, située dans l'est du pays à une cinquantaine de kilomètres de la frontière avec la Russie.

Les sirènes d'alerte aérienne ont résonné dans la ville de Lviv, dans l'ouest du pays, et les autorités ont fait état de violents combats dans la ville de Soumy, dans le nord-est du pays, également proche de la frontière russe.

Des dizaines de personnes pourraient avoir été tuées, selon les informations disponibles, et des dizaines de milliers de personnes ont fui les grandes villes du pays, certains cherchant à se réfugier dans les pays voisins: Pologne, Roumanie, Hongrie ou Slovaquie.

Avec la mobilisation générale décrétée jeudi dans le pays, les hommes de 18 à 60 ans ne peuvent plus quitter le territoire ukrainien et les convois se composent principalement de femmes et d'enfants.

Dans leur avancée vers Kiev depuis la Biélorussie voisine au nord, les troupes russes ont pris le contrôle de l'ancienne centrale nucléaire de Tchernobyl - située à environ 90 kilomètres au nord de la capitale - où les autorités ukrainiennes ont relevé une augmentation des niveaux de radiations.

Pour des responsables américains, l'objectif de la Russie est de renverser le président ukrainien Volodimir Zelenski et de "décapiter" son gouvernement.

"CIBLE"

Conscient d'être une "cible" prioritaire, Volodimir Zelenski a promis vendredi de rester à Kiev malgré l'avancée des troupes russes.

"Ils veulent détruire l'Ukraine politiquement en détruisant la tête de l'Etat", a-t-il dit dans une vidéo.

En dépit de la répression à l'oeuvre en Russie et de la description récurrente de l'Ukraine comme une menace par les médias officiels russes, des milliers de Russes sont descendus dans la rue pour dénoncer l'offensive en Ukraine. Des centaines de manifestants ont été arrêtés.

Certains observateurs estiment que Vladimir Poutine est mû par le désir de reconstituer l'empire soviétique mais les intentions du chef du Kremlin restent obscures.

Pour le Royaume-Uni, l'objectif de la Russie était de conquérir la totalité du territoire ukrainien et les troupes russes n'ont pas pu l'atteindre dès le premier jour faute d'avoir anticipé la résistance des Ukrainiens.

"Contrairement à ce qu'ils pensaient - et à la vision du président Poutine selon laquelle les Ukrainiens seraient libérés et se rallieraient à sa cause - il s'est complètement trompé et l'armée russe a échoué à atteindre son objectif, dès le premier jour", a déclaré le ministre de la Défense, Ben Wallace.

Pour autant, selon Volodimir Zelenski, la poursuite des combats vendredi démontre que les sanctions occidentales à l'encontre de Moscou restent insuffisantes.

Les Etats-Unis, l'Union européenne et la Grande-Bretagne, notamment, ont dévoilé jeudi de nouvelles sanctions contre la Russie après le lancement de cette offensive supplémentaire, survenue après des semaines de tensions et la reconnaissance par Vladimir Poutine de deux régions séparatistes pro-russes de l'est de l'Ukraine.

Un responsable européen s'exprimant sous le seau de l'anonymat a déclaré à Reuters qu'un troisième train de sanctions était en préparation au niveau de l'Union européenne.

Le Kremlin a fait savoir vendredi que les sanctions annoncées la veille par les puissances occidentales ne poseraient pas de problèmes insurmontables pour la Russie.

(Reportage Natalia Zinets à Kiev, Aleksandar Vasovic à Marioupol et bureaux de Reuters, rédigé par Stephen Coates et Peter Graff, version française Myriam Rivet, édité par Bertrand Boucey)

par Natalia Zinets et Maria Tsvetkova