par Julien Toyer et Jean-Baptiste Vey

Dans une interview à Reuters, le président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) souligne par ailleurs que l'opacité n'a pas régressé au cours des derniers mois et que l'Europe doit traiter ce problème si elle ne veut pas devenir dépendante des Etats-Unis en la matière.

"Les Américains se disent prêts à collaborer avec l'Europe sur la question des hedge funds dès lors qu'il y aura un contrôle ou une enquête. Cela revient en fait à limiter la coopération entre l'Europe et les Etats-Unis aux seuls cas de manquements aux règles. Ce n'est pas suffisant", explique-t-il.

"Il n'y aurait donc pas d'accord de supervision globale entre la SEC (US Securities and Exchange Commission) et la nouvelle autorité de supervision européenne. La proposition américaine n'est pas acceptable", s'emporte-t-il.

L'Union européenne se déchire depuis plus d'un an sur la directive AIFM (Alternative Investment Fund Managers), qui vise à encadrer les activités des gérants de fonds spéculatifs et des groupes de capital-investissement en Europe.

Les négociations achoppent notamment sur la question de permettre ou non aux gérants basés dans des pays tiers de pouvoir vendre leurs fonds via un "passeport européen" en échange d'un enregistrement et d'une transparence accrue.

Le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, avait dénoncé début avril le caractère protectionnisme de la régulation envisagée par l'UE.

De leur côté, les Américains réfléchissent à une législation similaire pour les "hedge funds" étrangers, qu'ils envisagent de soumettre à un enregistrement, à un reporting et à des obligations fiscales.

"Ils exerceront dès lors un suivi sur tous les fonds européens de ce type. Et on cèderait à des accusations de protectionnisme alors que sur ces sujets là, les mesures les plus protectionnistes sont prises aux Etats-Unis. L'Europe n'a pas de leçon à recevoir du secrétaire d'Etat au Trésor américain en termes de protectionnisme", dit l'ancien secrétaire d'Etat aux Affaires européennes.

RISQUE DE DÉPENDANCE

Jean-Pierre Jouyet estime d'autre part que l'opacité sur les marchés financiers n'a aucunement régressé depuis un an et que l'Europe doit agir pour éviter de dépendre à l'avenir des Etats-Unis, qui travaillent pour la réduire.

"Il n'y a pas de ralentissement de l'opacité et de la fragmentation des marchés", dit-il.

"Nous ne sommes plus en mesure de surveiller que la moitié des transactions", ajoute-t-il. L'autre moitié s'effectue sur des marchés non régulés, de gré à gré ou de gros comme les ?dark pools', autorisées en Europe par la directive Marchés d'instruments financiers de 2007.

"C'est pour cela que la question de la compensation et de l'organisation des marchés est centrale. Je vois que nos amis Américains la traitent, sans doute de manière plus rapide et plus efficace que nous", ajoute-t-il.

Il prône une révision de la directive MIF, afin de rattraper les Etats-Unis en matière de transparence et d'organisation des marchés.

"On s'est tiré une balle dans le pied par rapport aux Américains qui eux ont bien vu le sujet et sont en train de reprendre les choses en terme de transparence, d'organisation des marchés, etc.", a-t-il dit.

"Le choix est simple : soit on réforme rapidement et en profondeur cette directive soit on va se retrouver avec une nouvelle dépendance à l'égard des Etats-Unis car nous devrons adopter leurs systèmes d'organisation, de compensation, d'infrastructures puisqu'ils traitent le sujet plus vite que nous.".

Julien Toyer et Jean-Baptiste Vey, édité par Jean-Michel Bélot