BAGDAD, 12 août (Reuters) - Le Premier ministre irakien a accusé mercredi certains responsables politiques corrompus de vouloir l'empêcher de réformer en profondeur les institutions du pays et il a averti les milices chiites de ne pas utiliser leurs moyens armés à des fins politiques.

En poste depuis un an, Haïdar al Abadi a lancé la semaine le plus important projet de réformes institutionnelles envisagé depuis la fin de l'occupation militaire américaine.

Les députés ont adopté à l'unanimité mardi ce projet, qui prévoit entre la suppression de certains postes officiels, l'abandon des quotas religieux ou communautaires pour la répartition des pouvoirs, la réouverture de certaines enquêtes sur des faits présumés de corruption ou encore la possibilité pour le Premier ministre de limoger des dirigeants régionaux et provinciaux.

Ces réformes auront pour effet de priver de leurs titres certaines des personnalités politiques les plus puissantes du pays, comme le prédécesseur d'Haïdar al Abadi, Nouri al Maliki, dont le poste de vice-président est appelé à disparaître.

Elles sont largement approuvées par l'opinion publique, exaspérée par la corruption, ainsi que par les soutiens occidentaux de Bagdad, mais aussi par le dirigeant religieux le plus influent d'Irak, le grand ayatollah Ali Sistani.

Haïdar al Abadi a pourtant déclaré mercredi, dans un discours télévisé, s'attendre à devoir affronter la résistance de ceux qui profitaient jusqu'à présent du système qu'il entend remettre en question.

"Les corrompus ne vont pas rester assis sans bouger", a-t-il dit. "Ceux qui ont des intérêts et des privilèges vont défendre leurs intérêts et leurs privilèges. Certains d'entre eux vont même se battre pour cela. Ils vont tenter de saboter chaque mesure que nous prendrons."

Il n'a désigné aucun de ceux qu'il accuse de vouloir saboter son projet mais il a lancé un avertissement contre la politisation des milices chiites, dont les dirigeants ont vu leur pouvoir se renforcer considérablement depuis un an, leurs forces ayant joué un rôle de premier plan dans la lutte contre l'organisation Etat islamique (EI).

"Nous devons faire sortir l'Hachid Chaabi du terrain politique", a dit le Premier ministre en référence aux "comités de mobilisation populaire", une structure officielle qui regroupe diverses milices. "Il faut qu'il y ait une barrière de séparation. Nous ne pouvons pas impliquer des combattants dans une rivalité politique."

Haïdar al Abadi, qui a assuré que ses réformes ne visaient personne en particulier, a limogé en fin de journée son chef de cabinet et certains de ses conseillers dans le cadre de la suppression des "postes gouvernementaux non-indispensables", a annoncé un responsable de son service de presse.

(Ahmed Rashed et Saif Hameed; Marc Angrand pour le service français)