"Les pays émergents ont connu des flux records au cours de l'année passée, principalement sur les actions et les obligations. Les investisseurs sont de plus en plus conscients de la contribution des devises dans la performance des marchés émergents et considèrent de plus en plus le change comme un investissement en tant que tel. Par le passé, les investisseurs n'incluaient pas nécessairement les pays émergents dans leurs portefeuilles, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui", note Bernd Kraan, directeur de la recherche devise chez Henderson Global Investors.

"Depuis la crise financière, les investisseurs considèrent de plus en plus les pays émergents comme l'un des moteurs de croissance de l'économie mondiale, du fait de la hausse de la productivité et de la forte demande des consommateurs, émanant principalement des classes moyennes en plein essor dans plusieurs de ces pays."

"Les actions et la dette émergente ont fait preuve d'un bel élan au cours des dernières années et leurs valorisations sont désormais moins attractives que celles de certains pays développés. Il est intéressant de noter que les responsables politiques se trouvent désormais confrontés à des décisions difficiles : la hausse de l'inflation (en particulier dans le secteur des matières premières) pousse ces pays à augmenter leurs taux d'intérêt ; au moment même où, ils ne souhaitent pas apprécier leur monnaie."

"Le rendement pour un investisseur étranger investissant sur les marchés émergents est fonction à la fois de la performance de l'actif en devise locale (rendement local) et du taux de change de la devise de l'actif par rapport à celle de l'investisseur. Il est bien évidemment possible de se couvrir contre le risque de change afin de réduire l'impact de toute fluctuation des taux de change, mais cette démarche peut s'avérer être relativement coûteuse. Les taux d'intérêt sont traditionnellement plus élevés dans les pays émergents et l'investisseur paie donc un premium pour se couvrir contre le risque de change."

"De plus, l'investisseur ne pourra plus bénéficier de l'appréciation du change. Pour un investisseur étranger, le marché local et l'exposition aux devises jouent sur le rendement total de sa mise. Afin de mieux illustrer l'impact du change, nous avons pris l'exemple d'un investisseur américain investissant sur les marchés actions et obligations du Brésil, de la Colombie, du Mexique, de la Russie, de la Turquie et de l'Afrique du Sud. Il apparaît clairement que le change joue un rôle important sur le risque et les rendements, contribuant, par exemple, à plus de la moitié du rendement total pour le Brésil et l'Afrique du Sud."

"Nous avons effectué la même analyse sur les marchés actions des mêmes pays et comparé les résultats. Dans l'ensemble, la contribution des devises sur le rendement total est plus faible pour les actions (22% du rendement total, Afrique du sud mise à part, contre 43% pour les obligations). Cependant, et ceci est particulièrement vrai pour les actions, le rendement additionnel lié au change est relativement élevé par rapport au risque marginal ; le ratio d'information est donc plus élevé pour un investisseur américain que pour un investisseur domestique. Autrement dit, la solide performance générée par les investissements en devises sur les marchés émergents justifie largement la prise de risque."

"En résumé, l'analyse que nous avons conduite montre que la plupart des devises des pays émergents ont une corrélation positive avec les marchés actions et obligations domestiques. Par conséquent, comme les rendements sont positifs sur les marchés émergents, l'investissement délivrera un rendement plus élevé pour un investisseur étranger ne couvrant pas son exposition à la devise du pays. Cependant, ils sont également plus volatiles. Il n'est donc pas étonnant de constater que l'impact relatif du change sur le rendement total est plus faible pour les actions que pour les obligations des marchés émergents."

"Ceci s'explique par le fait que le rendement escompté et le niveau de risque sur les marchés actions sont plus élevés que sur les marchés obligataires et que par conséquent, l'impact du change est moins important. Cette analyse confirme selon nous le rôle important joué par les devises dans la génération de rendement pour des investissements sur les marchés émergents. Il soulève également une autre question, à savoir si une stratégie de gestion des devises représente une meilleure option en termes de performance, de diversification et de risque."

"Une des façons d'exprimer une conviction forte par rapport à la santé économique d'un pays émergent est d'investir directement dans la devise locale du pays. Les pays dont la croissance économique est forte ont tendance à attirer plus de capitaux. De fait, leurs devises s'apprécient, ce qui reflète l'amélioration relative de leur contribution à l'économie mondiale. Les taux d'intérêt y sont souvent plus élevés, leurs banques centrales essayant de ralentir la croissance et d'éviter une surchauffe de l'économie qui conduirait à une inflation trop forte."

"Les investisseurs peuvent facilement tirer parti de cette opportunité en étant surpondérés en devises émergentes par rapport à des devises à plus faible rendement comme le dollar US ou encore l'euro. L'écart de taux d'intérêt entre les deux pays représente une prime de risque : cette prime compense le risque d'une baisse de valeur de la divise ayant le rendement le plus élevé, et aussi le fait que cette baisse soit supérieure à l'écart de rendement."

"Dans la réalité, nous constatons que les fluctuations de taux de change des devises ne sont en moyenne pas suffisantes pour compenser l'écart de rendement et peuvent donc offrir une source continue de rendement. Etre surpondéré en devises émergentes par rapport au dollar US s'apparente à un carry-trade ce qui est similaire à l'achat au comptant d'obligations domestiques sur les marchés émergents. Les deux actions ont pour objectif d'obtenir des rendements plus élevés sur les marchés émergents (liés à des taux d'intérêts plus élevés) et offrent à l'investisseur une exposition positive aux devises des marchés émergents."

"Cependant, la stratégie de change est moins exposée au risque de taux d'intérêt (duration) car l'investissement sous-jacent est un instrument à courte échéance et non pas une obligation à maturité plus longue. Ceci est d'autant plus important dans l'environnement actuel, l'inflation élevée poussant les pays émergents à augmenter les taux d'intérêt."

"Il a été prouvé que ce type de stratégie permet de délivrer un rendement continu. Cependant, la performance peut être affectée de façon négative par des périodes d'aversion au risque, ce qui conduit à la vente de devises offrant un rendement plus élevé en faveur de devises refuges à rendements plus faibles telles que le dollar US, le yen japonais ou encore le franc suisse. Ce fût notamment le cas lors de la crise financière de 2008-2009."

"Toutes les classes d'actifs des pays émergents ont cependant été affectées à ce moment-là, qu'il s'agisse des actions, des obligations ou des devises. C'est pour cette raison qu'une approche d'investissement passive ou répliquant l'indice n'est pas la meilleure solution sur les marchés émergents. En fait, c'est dans les situations économiques difficiles ou tournants décisifs que la liquidité et la transparence du marché du change sont les plus avantageuses."

"En investissant sur des devises, plutôt que sur des obligations, l'investisseur évite le manque de liquidité, mais aussi le risque associé aux instruments traditionnels des marchés émergents. Ceci permet également au gérant de vendre ses devises à faibles coûts lorsque l'environnement évolue et de protéger son portefeuille contre les fluctuations monétaires négatives. Nous sommes convaincus qu'il n'est pas bénéfique d'être exposé à tout moment à la prime de risque et qu'il vaut mieux avoir une stratégie qui sait profiter d'un environnement économique positif et préserver le capital de l'investisseur lorsque l'aversion au risque domine le marché."

"De par leur construction, les indices de références traditionnels sur obligations (qui sont pondérés par les capitalisations boursières) ont tendance à favoriser les plus gros emprunteurs. Ceci pousse les investisseurs à allouer du capital aux émetteurs les plus endettés tels que les gouvernements et sociétés financières, ce qui n'est pas forcément la meilleure façon de ventiler le risque."

"De plus, la relativement faible duration (risque de taux) des indices de référence des marchés émergents (entre 4 et 7 ans) n'est pas suffisante pour égaler les dettes à long terme (pour les investisseurs qui en ont besoin) mais elle est suffisamment importante pour nuire aux rendements lorsque les responsables politiques se lancent dans de nouvelles hausses de taux d'intérêt."

"Notre approche d'investissement sur les marchés émergents consiste à créer un portefeuille qui convertit de façon efficace le risque en rendement. Nous insistons sur l'écart de taux d'intérêt entre deux pays (le rendement) par rapport à la volatilité escomptée du taux de change (le risque). Cependant, certains pays connaissent parfois des baisses cycliques et nous regardons également s'il existe d'éventuelles tendances de change positives (ou momentum). Ceci signifie que nous pouvons vendre notre position lorsque l'environnement économique et le risque sont moins favorables et réinvestir une fois que la situation est plus favorable."

"Le change devrait continuer de jouer un rôle important sur les rendements des marchés émergents. Il est important de noter que dans le contexte actuel d'inflation et de taux d'intérêts élevés nous nous attendons à ce que les devises des pays émergents s'apprécient face aux obligations des pays émergents. Les devises des pays émergents sont une bien meilleure façon de participer au potentiel de croissance de ces pays. Cependant, il est essentiel d'avoir une méthode de gestion des risques solide afin d'obtenir des rendements réguliers."