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(Easybourse.com) La dénomination BRIC vous semble-t-elle pertinente ? Pensez vous qu'un autre acronyme serait plus approprié ? Pourquoi ?
Le terme BRIC a été lancé par Goldman  Sachs au début des années 2000. Je pense que l'acronyme, au-delà de son aspect purement commercial, est pertinent, parce que ces pays ont réellement vocation à constituer la « brique » de l'économie mondiale en ce XXIe siècle. Il s'agit réellement d'un thème sur lequel nous pouvons jouer à long terme. C'est pourquoi, nous avons nous-mêmes lancé en janvier 2007 un fond dédié aux BRIC.

Nous pourrions ajoutez des lettres à cet acronyme, et inclure la Corée, l'Afrique du Sud, le Mexique ou l'Indonésie, mais cela reviendrait à modifier profondément la thématique.
La Corée est à un stade plus avancé que le Brésil, la Russie, l'Inde ou la Chine. Aujourd'hui la Corée n'est pratiquement plus un marché émergent.
Par ailleurs, le Mexique, l'Afrique du Sud ou l'Indonésie ont des caractéristiques bien différentes des BRIC.

Comment expliquez-vous la surperformance des produits BRIC par rapport aux marchés développés d'une part et par rapport aux indices « global emerging » d'autre part ?
Le concept BRIC a réellement commencé à apparaître et à être exploité en 2004-2005.
La surperformance des BRIC par rapport aux pays développés s'explique assez simplement. La Chine et l'Inde affichent des fondamentaux macro économiques très solides et connaissent des croissances très soutenues bien supérieures à celles des économies développées. 
Le Brésil et surtout la Russie ont beaucoup bénéficié de l'augmentation des prix de l'énergie et des matières premières. Ces pays ont également profité des mouvements de carry trade, basés sur le dollar dans un premier temps puis sur le yen.

La surperformance par rapport à l'ensemble des marchés émergents s'explique notamment par le fait que les BRIC sont quatre pays très importants de l'indice GEM.
Par ailleurs, quelques autres marchés qui pesaient lourd dans l'indice comme Taïwan, l'Afrique du Sud, la Corée, la Malaisie, le Chili etc., ont pendant cette période un peu sous performé, pour des raisons plutôt spécifiques au pays.

Quelles sont selon vous les perspectives d'évolution concernant ces performances ?
Ces pays ont toutes les armes pour continuer à se battre.
Aujourd'hui nous connaissons une petite crise mondiale au niveau du marché des subprimes et du marché des crédits. Or ce problème vient des États-Unis, autrement dit d'un marché développé.
C'est là une grande différence avec les années antérieures où les problèmes étaient essentiellement issus des marchés émergents. La crise asiatique par exemple a été véritablement due à une mauvaise allocation du capital.
Ainsi, il semble que la tendance a été inversée.

De quelle manière opérez vous vos investissements ? Comment procédez-vous pour détecter les opportunités d'investissement ?
Nous avons un processus d'investissement pour les marchés émergents fondé sur une double approche. Tout d'abord une approche plutôt quantitative. Nous prenons alors en considération toutes les actions du MSCI emerging market.

Par ailleurs, nous avons une approche qualitative qui tient compte des perspectives macro-économiques mondiales. Nous établissons des tableaux fondamentaux par pays et par secteur.
Nous essayons de définir des thématiques spécifiques.
A partir de l'ensemble des éléments quantitatifs et qualitatifs recueillis, nous élaborons notre politique d'allocation d'actifs. Nous nous en servons alors comme base de départ pour construire nos portefeuilles.

Pourriez vous nous donner des exemples de thématiques intéressantes ?
L'infrastructure nous semble être une thématique pleine d'avenir. Dans beaucoup de pays émergents en forte croissance, nous manquons d'infrastructures : électricité, gaz, chemins de fer…Celle-ci n'a pas suivi la croissance.

Par ailleurs, dans le même esprit, le secteur de l'immobilier et  le secteur de la construction nous paraissent très porteurs.

Quels sont selon vous les principaux risques que présente un investissement dans ces pays ?
Pour ce qui est de la Chine, le risque de surchauffe de l'économie est très présent.  Nous craignons que l'économie n'augmente trop vite et qu'il en découle une inflation importante.
Le gouvernement risquerait alors d'agir sur sa politique monétaire. Une moindre ouverture en résulterait.
Un autre risque réside dans la récession des États-Unis. La situation des exportations des États-Unis particulièrement en ce qui concerne les biens de production et consommation machines peut impacter la Chine.
Une forte correction sur le marché Chinois domestique, après le rally spectaculaire des mois précédents, ne peut pas être exclue.

En Inde, les sociétés sont très bien gérées, ce qui est un avantage mais également un inconvénient parce que le marché indien est assez cher. Le marché est également sensible aux flux de capitaux étrangers.
Au-delà, le pays est surtout confronté à des problèmes macro-économiques et politiques qui peuvent influencer le marché. Le déficit fiscal et l'inflation peuvent donner lieu à une augmentation des taux d'intérêt.
Sur le plan politique, les relations dans la coalition actuelle en Inde sont quelque peu tendues en raison de la problématique sur l'accord de coopération nucléaire avec les Etats-Unis.. 
Par ailleurs, et de manière plus générale, la démocratie en Inde peut poser d'importantes difficultés. Il a une grande coalition avec des parties très diversifiées. La programmation des réformes est par conséquent  beaucoup plus lente qu'en Chine.

Pour ce qui est du Brésil, il semble que l'inflation qui a beaucoup diminué ces dernières années se soit récemment stabilisée. Nous craignons que la diminution des taux d'intérêt ralentisse également ou même s'arrête. Ceci occasionnerait des problèmes sur le marché à court terme.

Enfin pour la Russie, il s'agit essentiellement d'un risque politique. Les élections du parlement et la fin de la présidence de  Poutine font peser d'importantes incertitudes. Par ailleurs, la Corporate gouvernance des entreprises fait défaut.

De quelle manière appréhendez-vous ces risques ?
Pour ce qui est de la Chine, nous nous concentrons sur les actions dans les secteurs domestiques, mais cotées en dehors de la Chine (Hong Kong, Singapour etc.). Nous nous efforçons de profiter de la croissance interne.
Nous évitons en outre de prendre beaucoup de risque notamment des risques spéculatifs.

Qui plus est, nous sommes un peu sous pondérés sur l'énergie, mais ceci s'explique essentiellement par des limites réglementaires. La plupart des sociétés du secteur sont des sociétés d'État. Ainsi en est-il de la Russie où le marché est très concentré sur l'énergie. Nous essayons alors de diversifier dans des secteurs moins dépendants de la situation mondiale de l'énergie comme les télécoms, le retail ou encore l'acier (demande intérieure importante).

Quels sont les principaux obstacles réglementaires rencontrés dans le cadre de votre investissement dans ces pays ? 
Les limites concernent essentiellement l'accès direct pour les investisseurs étrangers sur les marchés que ce soit en Chine sur ou en Inde.
Par ailleurs, il existe des limites de participation étrangères pour des banques. Le pourcentage de capital investi par les investisseurs est limité à 20 %.

En Russie les obstacles résident dans le fait que le gouvernement a la main mise sur de très grandes sociétés dans le secteur de l'énergie ce qui pose un problème manifeste de Corporate gouvernance. Par ailleurs les affaires Youkos et Shell ont clairement révélé que les investisseurs étrangers n'étaient pas à l'abri de difficultés.

Au Brésil il n'y a pas réellement de difficultés réglementaires.

Quelle est votre perception quant à l'évolution des marchés financiers dans ces pays dans les mois, ou les années à venir ?
Je pense sincèrement que la situation va évoluer à l'avenir. Les limites ont été posées par ces pays parce qu'en raison de leur processus de développement. La crainte étant que s'ils ouvrent trop leurs marchés, ils ne soient plus capables de contrôler les flux de capitaux. Je pense sincèrement que progressivement des mesures vont être prises pour augmenter la participation des étrangers.

Diriez vous que l'investissement dans les pays émergents, et plus particulièrement dans les BRIC constitue l'avenir ?
Il devient pratiquement nécessaire d'investir dans ces pays si on veut avoir de la croissance dans son portefeuille. Mais, on doit être prêt d'accepter un peu plus de volatilité.

Propos recueillis par Imen Hazgui

 

- 11 Septembre 2007 - Copyright © 2006 www.easybourse.com

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