(Répétition)

par Lizbeth Diaz et Gustavo Palencia

TEGUCIGALPA, Honduras, 4 décembre (Reuters) - Le candidat de l'opposition au Honduras a appelé dimanche l'armée du pays à ne pas respecter la décision prise samedi par le gouvernement de mettre en place un couvre-feu en réaction aux manifestations mortelles qui ont suivi l'élection présidentielle, vivement contestée, organisée il y a plus d'une semaine.

Des milliers de manifestants, pour la plupart assez jeunes, frappant sur des casseroles et faisant retentir des sirènes stridentes, ont marché à travers les rues de la capitale Tegucigalpa pour apporter leur soutien à Salvador Nasralla, un ancien animateur de télévision soutenu par la gauche, qui accuse le gouvernement de vouloir voler les élections.

Des images diffusées par la télévision locale ont montré des manifestations similaires dans les autres grades villes de ce pays d'Amérique centrale qui connaît l'un des taux d'homicides les plus élevés au monde du fait notamment de la présence de violentes bandes de narcotrafiquants sur son sol.

Sept jours après le scrutin, les Honduriens ignorent toujours qui l'a emporté et le tribunal électoral a annoncé ce dimanche qu'il allait bientôt proclamer un vainqueur, une fois qu'il aura mené à bien un recomptage partiel.

Dans un premier temps, le décompte de 70% des voix donnait l'avantage à Salvador Nasralla et l'un des quatre membres du tribunal électoral, Marcos Ramiro Lobo, avait alors affirmé que cette avance était "irréversible" selon les experts techniques.

Mais Juan Orlando Hernandez, le président sortant de centre-droit, est ensuite passé devant avec le dépouillement d'un peu plus de 80% des votes, une bascule qui a alimenté les soupçons d'irrégularités.

S'adressant à des manifestants à partir d'un carrefour situé non loin de l'endroit où a lieu le recomptage, Salvador Nasralla a exhorté l'armée à désobéir aux ordres tout en encourageant ses partisans à continuer de protester pacifiquement.

"J'appelle tous les membres des forces armées à se rebeller contre leurs supérieurs (...) vous devriez faire partie du peuple", a-t-il dit.

Des centaines de personnes ont été arrêtées au cours de manifestations violentes qui ont émaillé la semaine, avec au moins trois morts à la clef. Un couvre-feu nocturne est entré en vigueur samedi à 00h00 et le gouvernement a également suspendu les droits constitutionnels.

RECOMPTAGE DE PRÈS DE 6% DES VOIX

Le tribunal électoral a entamé le recomptage des voix déposées dans un millier de bureaux de vote, soit près de 6% des suffrages, un processus qui devrait se prolonger jusqu'aux premières heures de lundi.

Salvador Nasralla a exigé le recomptage de milliers de bureaux de vote supplémentaires mais les responsables électoraux refusent à ce stade d'accéder à sa demande.

L'Organisation des Etats américains (OEA) estime dans un communiqué publié dimanche que le tribunal électoral devrait aller au-delà du recomptage partiel, ajoutant que la demande de Salvador Nasralla de recompter les voix de plus de 5.000 bureaux de vote était faisable.

Selon le stade actuel du décompte, soit sur la base de quelque 95% des suffrages, Juan Orlando Hernandez est crédité de 42,9% des voix contre 41,4% pour Salvador Nasralla. La majorité absolue n'est pas nécessaire pour l'emporter.

"Même les nationalistes savent que nous sommes face à une fraude massive. Ils savent que le président a perdu", a dit Carlos Hernandez, un manifestant de 24 ans, avant de s'approcher d'un groupe de soldats pour leur reprocher de soutenir le gouvernement.

Juan Orlando Hernandez, grand allié des Etats-Unis dans la lutte contre le trafic de drogue et l'immigration, revendique un bilan positif sur les fronts de la sécurité et de l'économie depuis son arrivée au pouvoir en 2014.

Il a été autorisé à briguer un second mandat grâce à une décision de la Cour suprême qui a annulé l'interdiction d'un second mandat inscrite dans la Constitution.

Les autres partis politiques n'avaient guère apprécié cette décision en raison notamment du soutien qu'avait apporté Juan Orlando Hernandez au coup d'Etat de 2009, qui avait mis à l'écart le président de gauche de l'époque, Manuel Zelaya.

Salvador Nasralla, l'une des figures les plus connues au Honduras, a reçu le soutien de Manuel Zelaya.

En plus des trois personnes, dont une jeune femme de 19 ans, qui ont été tuées au cours des manifestations, des dirigeants de l'opposition ainsi qu'une source policière ont dit qu'entre quatre et cinq autres manifestants ont été tués par balles vendredi dans le nord du pays. (Benoit Van Overstraeten pour le service français)